Révision

La plupart des articles (traductions exceptées) ont été révisés au cours de l'automne 2014, d'où certains anachronismes au regard de la date de publication.

jeudi 2 septembre 2021

Mirella ou comment s'affranchir efficacement d'une pandémie.

 L’Estrange Malaventure de Mirella a déjà séduit de nombreux adolescents et obtenu toute une série de prix amplement mérités. Truculent par l’invention verbale dont il fait preuve, le roman de Flore Vesco parle des tourments actuels: quelle place donner aux femmes dans une société d’origine patriarcale qui peine à se remettre en question? Comment combattre les épidémies et, plus généralement, les maux dont elles sont un symptôme? Ce roman à l’écriture soignée convient à des classes de quatrième (objet d’étude: « La ville, lieu de tous les possibles?») ou de troisième (objet d’étude: « Dénoncer les travers de la société »). La séquence montre que la réécriture d’une légende ancienne délivre un message fort et parfaitement actuel sur la nécessité de combattre les préjugés. L’idée étant de s’affranchir du mal et de conquérir une liberté qui fait fi des pratiques ritualisées et admises par la société. Dans le cadre de l’étude de la langue, il est possible d’introduire l’observation des discours directs et indirects en quatrième, indirects libres en troisième.

Séquence niveaux 4e et 3e.

Séance 1 : Une réécriture

Séance 2 : La ville de Hamelin

Séance 3 : Le personnage de Mirella, d'après les trois premiers chapitres

Séance 4 : La lutte contre la peste

Séance 5 : Les discours rapportés

Séance 6 : Un roman fantastique et initiatique


lundi 2 août 2021

No coward soul is mine ...


No coward soul is mine 
No trembler in the world's storm-troubled sphere 
I see Heaven's glories shine 
And Faith shines equal arming me from Fear 

O God within my breast 
Almighty ever-present Deity 
Life, that in me hast rest, 
As I Undying Life, have power in Thee 

Vain are the thousand creeds 
That move men's hearts, unutterably vain, 
Worthless as withered weeds 
Or idlest froth amid the boundless main 

To waken doubt in one 
Holding so fast by thy infinity, 
So surely anchored on 
The steadfast rock of Immortality. 

With wide-embracing love 
Thy spirit animates eternal years 
Pervades and broods above, 
Changes, sustains, dissolves, creates and rears 

Though earth and moon were gone 
And suns and universes ceased to be 
And Thou wert left alone 
Every Existence would exist in thee 

There is not room for Death 
Nor atom that his might could render void 
Since thou art Being and Breath 
And what thou art may never be destroyed. 

 Emily Brontë, The EJB manuscript, (1846, pour le poème cité).

Nulle lâcheté en mon âme 
Qui ne saurait trembler en ce monde tourmenté d’orages. 
Je vois briller les splendeurs du Ciel
Comme brille la Foi qui me fortifie contre la Peur. 

O Dieu en mon sein 
Omniprésente, toute-puissante Déité 
Vie qui en moi repose 
Comme je trouve, invincible Vie, force en Toi. 

Vaines sont les mille croyances 
Qui agitent le cœur des hommes, indiciblement vaines, 
Sans plus de valeur que l’herbe morte 
Ou que l’écume légère sur l’océan sans fin 

Pour immiscer le doute en une âme 
Si bien arrimée à ton Infinité 
Si sûrement ancrée 
Au roc inaltérable de l’Immortalité 

De cet amour qui tout étreint 
Ton Esprit anime les années éternelles
Là-haut, Il se propage et protège, 
Il change, soutient, défait, crée et fait croître 

Si Terre et lune avaient disparu 
Si les soleils et l’univers cessaient d’exister 
S’il ne restait que toi seul 
Toute existence serait en toi.

Il n’est nulle place pour la Mort 
Nul atome que sa force ne puisse d’anéantir 
Puisque tu es l’Etre et le Souffle 
Et que ce que tu es ne peut être détruit 


mardi 2 février 2021

Interview au sujet d'Orwell, réalisée pour la NRP

Penguin place l’œuvre l’Orwell aujourd’hui tout en haut de la liste de ses bestsellers. Cela vous surprend-il ?

Est-ce qu’on peut vraiment être surpris d’un tel résultat ? Nous vivons une époque extrêmement anxiogène, où les gens qui lisent cherchent des réponses à leurs questions. Avant l’épidémie de la covid il y a eu celle du populisme. Le brexit qui a eu raison de l’union européenne, Erdogan, Bolosnaro, Trump… Qui aurait cru qu’on verrait un jour un président américain inciter ses supporters à s’en prendre au capitole ?

L’épidémie qu’on vit actuellement à conduit les gouvernements à prendre des mesures autoritaires qui posent aussi question sur la politique. Qui sont les penseurs accessibles qui ont réfléchi à ces questions ? Montesquieu, Rousseau, qui sont un peu lointains, Marx dont on se méfie aujourd’hui. Restent des gens comme Camus ou Orwell qui bénéficient du statut de classiques, restent abordables et ont eu le mérite de ne pas céder aux sirènes de l’idéologie.

Orwell plus que Camus encore parce que la politique est l’affaire de sa vie, la matière de son écriture. Je cite dans la préface Pourquoi j’écris, un essai qui montre à quel point Orwell est lucide dans sa pratique de l’écriture : « C’est toujours là où je n’avais pas de visée politique que j’ai écrit des livres sans vie. »

Oui Orwell rentre en collision avec les problématiques de notre temps d’autant que depuis la généralisation d’internet, le monde de 1984 est devenu possible. La Chine de XI jinping n’en semble pas si éloignée que ça. Orwell avec ses analyses politiques, avec ses romans nous donne les clés pour comprendre ce monde.

Quelle lecture de La Ferme des animaux peuvent faire des jeunes d’aujourd’hui pour lesquels la référence au système soviétique est nettement moins présente ? Peut-on justement (faut-il ?) déconnecter le texte de son contexte ?

La première réaction des élèves à qui l’on met la Ferme des animaux entre les mains est une réaction de rejet. Oh un livre de bébé… Le professeur qui veut faire lire la Ferme des animaux est tout de suite obligé de se justifier. Je suis assez reconnaissant aux éditions du Livre de Poche Jeunese car ils ont trouvé une couverture attractive qui va nous faciliter la tâche. Le regard de Napoléon qui embrase le monde est inquiétant à souhait et montre tout de suite qu’on n’a pas affaire à une simple histoire d’animaux.

Faut-il contextualiser ? Il y a deux écoles à ce sujet et personnellement je n’ai pas de religion sur la question. J’ai fait mes études à l’époque où le structuralisme dominait dans les universités, époque où l’on ne se préoccupait peu du contexte où l’on pensait pouvoir démontrer la littérarité d’une œuvre en observant les structures récurrentes, l’architecture savante de l’œuvre. La vulgarisation du structuralisme, les schémas narratifs qu’on n’interprète pas, les schémas actantiels sont un peu dévalorisés. Il n’empêche que, pratiquée avec intelligence, c’est une méthode qui montre quelque chose.

Le schéma narratif selon lequel les cochons dupent les autres animaux est à peu près le même tout au long du livre, simplement les cochons deviennent de plus en plus gros, de plus en plus forts et leurs mensonges se font de plus en plus gros. On peut passer par ce type d’analyse et arriver je pense à dégager la substance de l’œuvre qui vise finalement à dénoncer le mensonge en politique.

Maintenant rapporter le texte à son contexte est évidemment utile, on prend toujours plaisir à faire trouver les parallèles qui existent entre Napoléon et Staline, Boxeur et Stakhanov, Major et Marx, Boule de Neige et Trotsky. C’est utile, je pense qu’il faut ramener cette lecture à l’expérience qu’Orwell a eu de la guerre d’Espagne au désenchantement qui l’accompagne. Simon Leys dans un essai paradoxal qu’il intitulera Orwell ou l’horreur de la politique montre comment Orwell, (je crois que je le raconte aussi dans la préface) a pris conscience de la duplicité des staliniens. Alors que les républicains se replient en Catalogne, les staliniens en profitent pour éliminer les trotskistes, et cette tromperie qui fait l’objet d’un des plus beau livre d’Orwell, Hommage à la Catalogne, explique aussi que l’écrivain ait eu besoin de solder ses comptes avec Staline.

Mais au-delà de Staline, Animal Farm est un livre qui dénonce toutes les formes de mensonges politiques

 Comment êtes-vous venu à la traduction ?

Je ne suis pas traducteur, je suis avant tout professeur de français, j’enseigne à temps plein entre collège et lycée. Mais dans le titre un peu pompeux qu’on nous donne aujourd’hui - il semble plus prestigieux d’être professeur de lettre que professeur de français – bref, dans professeur de lettres, le mot lettres est au pluriel. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ca peut renvoyer à la tradition des lettres classiques mais je crois plus volontiers que lorsqu’on est professeur de lettres modernes on est professeur de littératures au pluriel. On est amené à montrer que la littérature française n’est pas une littérature qui s’est épanouie seule dans son coin. L’Italie au XVIe, l’Allemagne fin XVIIIe, l’Angleterre avec les influences de Shakespeare et de Walter Scott sur le romantisme ont joué un rôle fondamental dans la construction de l’édifice.

J’ai envie de dire que c’est l’amour de la littérature qui m’a conduit à la traduction. J’avais réalisé plusieurs classiques pour l’école des loisirs, les Fables de Florian, les Contes d’Hoffmann et j’ai eu envie de faire une édition du Peter Pan de James barrie, un livre formidable, plein de fantaisie, d’invention. Un livre sombre aussi, trop mésestimée. Bref !  L’école des loisirs n’avait les droits d’aucune traduction, j’ai relu le livre en anglais et je me suis lancé.

Que vous apporte, à titre personnel, la pratique de la traduction ? Quelle peut-être la richesse pédagogique de cet exercice pour des élèves qui le pratiqueraient régulièrement ?

A titre personnel, je prends la traduction comme un défi. Je connais des traducteurs qui travaillent pour l’industrie et traduisent des notices, j’en ai connu d’autres qui travaillaient à la traduction de roman sentimentaux. Ils font tous un travail utile mais en ce qui me concerne et comme ce n’est pas mon travail je peux et je n’ai d’ailleurs l’envie de traduire que des textes littéraire, or évidemment traduire un texte littéraire est un défi. Un défi qu’il faut aborder humblement car traduire un génie dans toutes les dimensions qu’il a su imprimer à son œuvre est impossible. 

 Traduttore, traditore, c’est bien connu. Et c’est juste. Je m’y suis essayé avec la poésie d’Emily Brontë, mais elle y perd évidemment une grande partie de sa saveur, les jeux de sonorités notamment si essentiels à la poésie. La traduction curieusement me replonge au cœur de mon métier de professeur de lettres, et traduire un texte littéraire c’est chercher à restituer cette littérarité du texte. Ce surcroît de plaisir esthétique dont parle Freud qui nous amène à goûter particulièrement les œuvres littéraires. Quant à la richesse de l’exercice pour des élèves amenés à le pratiquer; je ne saurais trop vous répondre, n’étant pas professeur d’anglais. 

C’est un exercice évidemment éminemment formateur en ce qu’il oblige à comprendre la langue mais aussi l’intentionnalité d’un discours et à le passer dans sa langue. L’exercice a aussi évidemment le mérite de conduire celui qui le pratique à s’interroger sur les ressources que lui offre sa propre langue, la grammaire, les sonorités.

Les élèves de 1re et Tle qui suivent la spé Anglais ont de l’ « initiation à la traduction ». Quelles vous semblent les principales difficultés de la traduction de l’anglais au français ? Pourriez-vous donner quelques exemples de ce qui « résiste » à la traduction ?

Anglais / français ? Le français est la langue de Descartes, c’est une langue qui s’organise au XVIIe siècle et qui se veut rationnelle, l’anglais est la langue de Shakespeare qui peut-être s’attache moins à décrire la réalité comme quelque chose de fixe. C’est aussi une langue accentuée qui convient particulièrement à la poésie, à l’expression du sentiment et des impressions. Le verbe anglais supporte tout un tas de postpositions qui vont permettre d’en nuancer le sens. J’ai envie de dire que les principaux écueils sont là : comment rendre cette rythmique de la langue et ces nuances ?

Je pense à la première phrase du roman, par exemple qui évoque M. Jones rentrant chez lui complètement saoul. La rythmique da la phrase est incohérente et retranscrit bien l’ivresse de M. Jones, il est difficile de faire la même chose en français, je me suis amusé à jouer avec les sons pour obtenir une allitération en p qui donne un peu le même effet.

J’ai dû faire quelque chose  d’assez semblables avec le moment ou Napoléon fait intervenir ses chiens : il se produit un barouf épouvantable qui tétanise toute le monde, là aussi j’ai compensé le manque d’accentuation du français par des allitérations en k et en r pour montrer la férocité des chiens.

Mais fondamentalement, je crois avec Bachelard que la traduction est un exercice essentiel qui nous ouvre des portes sur les autres cultures, et que l’essentiel est dans la restitution de l’imaginaire !

Sans se référer nécessairement aux programmes, quelle place aimez-vous donner aux littératures étrangères, et en particulière à la littérature anglaise dans les cours de français ?

En 2017 j’ai écrit un plaidoyer pour une ouverture sur la littérature européenne, « Pour des programmes ouverts sur la littérature européenne » (dans L’école des lettres), j’y expliquai que nous sommes terriblement centrés, au lycée,  sur la culture française, c’est sans doute dû à notre sempiternel exercice de l’explication de texte, qui exige une analyse du lien fond forme pour aller vite. La spécialité littérature philo a partiellement comblé mes vœux. J’ai la chance de l’enseigner actuellement. Nous avons travaillé sur les nouvelles de Poe pour aborder la question des limites du moi et la critique psychanalytique. Actuellement nous commençons l’étude des Robots, et il n’est pas rare que je donne les textes en anglais et en français.

J’ai coutume de dire à mes élèves que la littérature est une langue universelle je ne voyais d’ailleurs aucun inconvénient, à l’époque où les professeurs de français de 1ère pouvaient choisir leurs œuvres à faire étudier à mes élèves des pièces de Shakespeare ou à introduire dans un groupement de textes un extrait de Goethe, de Byron ou de Mary Shelley.

Au collège, je trouve que la traduction rend justement plus facile la prise en main des classique, Shakespeare marche mieux que Corneille en 4e

Avez-vous déjà essayé de travailler avec des professeurs de langue ?

Oui, la littérature nous conduit sur des terrains communs en terminale, je le disais tout à l’heure.

Et  en collège, j’ai déjà emmené mes élèves sur les traces de Daphné du Maurier ou d’Agatha Christie en Cornouailles, de Shakespeare dans les Costwolds. Il est plus facile en collège de monter des projets interdisciplinaires qu’en lycée. J’aime bien emmener les élèves sur les lieux qui ont inspiré leurs auteurs. Si on se promène sur les collines de Haworth ou a vécu Emily Brontë on comprend l’âpreté de Wuthering Heights.

Si vous deviez conseiller des œuvres de littérature anglaise à des collégiens et des lycéens, que leur conseilleriez-vous ?

Les grands romans d’aventure sont ango-saxons : on pense à Stevenson bien sûr, mais aussi  à Jack London, à Kipling, ou à Falkner qui peuvent fournir des œuvres particulièrement intéressantes pour des élèves de 5e. Les romans du XIxe peuvent s’avérer passionnants j’ai une affection particulière pour les sœurs Brontë auxquelles j’ai consacré un essai biographique. Je trouve que Jane Eyre ou Agnes Grey sont des œuvres magnifiques  pour montrer l’émergence de valeurs féministes au XIXe.

Jack London et Le Peuple de l’Abîme peuvent donner une magnifique leçon de journalisme engagé à des 4e.

Stevenson, Wilde, ou Dickens sont excellents pour aborder le fantastique.

Au lycée Jane Austen rencontre souvent un franc succès chez les jeunes filles. Les romanciers américains, Steinbeck, Hammett, Hemingway, Eskirne Caldwell, Carson Mc Cullers sont parfaits pour aborder le réalisme. La science fiction intéresse souvent les jeunes et les contre utopie d’Huxley, d’Orwell  d’Ira Levin sont de grands textes littéraires.  Il y a une multitude de choix…