Révision

La plupart des articles (traductions exceptées) ont été révisés au cours de l'automne 2014, d'où certains anachronismes au regard de la date de publication.

vendredi 22 décembre 2023

Pauline Voyage, un album de Marie Desplechin


Avec Pauline voyage, Marie Desplechin et François Roca livrent au jeune lecteur un album malin et drôle, ils exploitent avec subtilité et humour le point de vue d’une enfant qui ne comprend pas tous les enjeux de l’aventure qu’elle va vivre. Ces quinze jours qui vont la conduire au Spitzberg sur un paquebot de luxe des années trente sont aussi un petit roman d’initiation qui permettent à la jeune héroïne de s’ouvrir au monde et aux autres.

 

Un récit d’aventures

Le voyage commence mal pour Pauline qui constate, au bout de quelques, jours que sa « seule activité distrayante » aura été « de vomir ». Il faut dire que la situation initiale de notre histoire est marquées par les déceptions : Pauline voulait partir en voyage avec son père or voilà que ce dernier l’a expédiée en croisière avec une certaine Nathalie Petrakov dont elle est obligée de partager la « cabine ridicule ».

« Je suis bien malheureuse, écrit Pauline. Nous ne sommes que deux enfants, le prince Baudouin qui n’a que cinq ans et moi. » L’âge du prince permet d’ailleurs de situer l’intrigue en 1935 puisque le jeune Baudouin de Belgique, futur roi des Belges, est né en 1930. Les indices qui signalent la progression du journal de Pauline inscrivent donc l’action entre la fin du mois de juin (Pauline commence à écrire quelque jours après son départ) et le 15 juillet date de son retour. Or la reine Astrid (la mère du prince) devait mourir quelques semaines plus tard, victime d’un accident de voiture, non loin de Küssnacht en Suisse.

Le bateau qui transporte Pauline et les passagers a par ailleurs été baptisé le Reine Astrid, il y a donc dans ce Voyage de Pauline quelque chose qui relève du destin en marche, de l’aventure au sens premier du terme (l’étymologie adventura signifiant ce qui doit arriver). Cette croisière de luxe où tout le monde, stimulé par la reine, se montre « fou de politesse » témoigne des derniers feus d’un monde policé qui bientôt sombrera dans la guerre.

Mais pour Pauline l’essentiel, au début de cette histoire, est de tromper l’ennui et de montrer à son père toute l’amertume qu’elle éprouve à son égard. C’est son père qui lui a demandé de tenir un journal, la petite hésite d’ailleurs, le journal prenant, la plus souvent, la forme de lettres pleines d’acrimonie. « J’étais tellement fâchée contre vous que je n’ai rien écrit les premiers jours. »

jeudi 7 décembre 2023

L'école des lettres, numéro spécial dystopies : 1984, quand l’amour entre en résistance

Les programmes de troisième invitent à explorer la situation de l’individu face au pouvoir : la question est essentielle et éternelle. Gilgamesh, le premier grand roman de l’humanité, raconte l’apprentissage d’un roi, l’Iliade questionne la résistance d’Achille aux ordres qui lui sont donnés, Antigone se révolte contre un pouvoir dont elle estime les décisions illégitimes. En 1948, au moment où la paix se rétablit mais aussi au moment où les dictatures communistes affirment leur emprise Orwell imagine, sous l’empire de Big Brother, l’univers de 1984[1] qui va devenir le symbole de tous les régimes totalitaires. Dans cet univers dément où l’état introduit sa surveillance dans tous les foyers, la timide révolte de Winston, qui ne prétendait au fond qu’à l’une des dimensions les plus intimes de la vie humaine (l’amour), se voit impitoyablement écrasée. Le contrôle technologique s’exerce par le « télécran » d’Orwell qui préfigurait nos ordinateurs et internet. La version abrégée du roman autorise sa lecture par des classes de troisième, la séquence qui suit vise à faire comprendre la notion de contre-utopie et à entraîner les élèves à exercer leur réflexion sur cette question du rapport au pouvoir, elle prendra place, de préférence en fin d’année. On prévoira d’avoir fait lire l’intégralité du roman pour la séance 5. On peut consacrer des séances à la lecture silencieuse ou à la lecture de passages clés à voix haute.

Séance 1 : Qu’est-ce qu’une contre-utopie ?

Séance 2 : Winston et les affreux enfants Parsons, p. 33-34

Séance 3 : À quoi sert le Nouvlang ? p.56 57

Séance 4 : La subordonnée hypothétique

Séance 5 : L’histoire d’amour de Winston et Julia, un acte de résistance

Séance 6 : Et si Julia se mettait à raconter…

Séance 7 : L’espoir est-il permis ? p. 261-262






[1] Notre édition de référence sera l’édition abrégée du Livre de Poche Jeunesse.

lundi 4 décembre 2023

Numéro spécial de l'Ecole des lettres dystopie : De La Ferme des animaux à 1984 : comment garantir la liberté d’écrire ?

 


Avec 1984 Orwell questionne le statut de la littérature, dans un dialogue avec Syme, apologiste de la dictature, Winston, le héros du roman, apprend que le but du nouvlang (le nouveau langage que le parti tente d’imposer), c’est l’anéantissement du patrimoine littéraire. Chaucer, Dante, Milton, Byron sont condamnés[1]. L’existence même de la littérature qui manifeste la complexité de l’esprit humain remet en question la pensée simpliste que diffuse le régime de Big Brother. Mais, d’une manière générale, Orwell considère que l’acte d’écrire authentique, parce qu’il est une manifestation fondamentale de liberté, s’oppose à toutes les modalités de l’autorité.

Dans L’Empêchement de la littérature[2], un essai publié en 1946, il montre que les démocraties occidentales sont, elles aussi, les ennemies de cette liberté : « les barons de la presse, les magnats du cinéma et les bureaucrates » y sont décrits comme des censeurs. Et l’auteur de 1984 en arrive à la conclusion que la fonction de l’écriture est nécessairement politique. Nous « sommes désormais habités, écrira-t-il dans « Les écrivains et le Léviathan »[3], par une sorte de scrupule que ne connaissaient pas nos aïeux, une conscience de l’immensité de l’injustice et de la misère du monde, ainsi que par un sentiment de culpabilité qui nous dit qu’il faudrait y faire quelque chose, ce qui rend impossible toute attitude purement esthétique envers la vie. Personne, à présent ne pourrait se vouer aussi exclusivement à la littérature que Joyce ou Henry James. » C’est un mouvement de compassion intense qui pousse Orwell à épouser la cause du socialisme, dans les dernières années de sa vie.

https://www.ecoledeslettres.fr/fiches-pdf/de-la-ferme-des-animaux-a-1984-comment-garantir-la-liberte-decrire/




[1] Cf. notre édition de référence, Orwell, 1984, trad. de G. Guillier, Le Livre de Poche Jeunesse, 2021.

[2] Orwell, L’Empêchement de la littérature, RN éditions, 2020.

[3] Orwell, Pourquoi j’écris et autres textes politiques, Folio, 2020.

mardi 3 octobre 2023

Les Cahiers de Douai d'Arthur Rimbaus, séquence première

À la recherche d’une langue nouvelle, Rimbaud utilise un lexique qu’il libère des exigences de bienséance propre à la poésie classique. Par les formes et l’esthétique, il emprunte aux Parnassiens, mais se rapproche du symbolisme, sans s’y associer complètement.

Séance 1. Rimbaud, une carrière poétique éphémère sous le Second Empire

Séance 2. «Ophélie» ou la tentation parnassienne

Séance 3. Quand Rimbaud s’exerce aux réécritures

Séance 4. Les maux de la guerre et de la religion, analyse linéaire du «Mal» 

Séance 5. Le poète, contempteur de la société

Séance 6. «Ma bohème», les ambiguïtés d’un sonnet moderne

Séance 7. Tradition et innovation chez Rimbaud

Séance 8. Entraînement à la question de grammaire

https://www.ecoledeslettres.fr/page/2/?s=St%C3%A9phane+Labbe&ct_post_type=post%3Afiches-pdf&ct_search_taxonomies=yes




vendredi 8 septembre 2023

Les neiges du Kilimandjaro de Joseph Kessel, séquence pour 4e

 Présentation : Joseph Kessel qui fut l’un des grands reporters du XXe siècle est aujourd’hui surtout connu surtout pour ses œuvres romanesques, la plus connue est sans conteste Le Lion, qui fut l’un des grands succès d’édition de Gallimard, mais on lui doit aussi des romans qui ont fait l’objet d’adaptations cinématographiques populaires comme La Passante du Sans-souci ou Belle de jour. Le Paradis du Kilimandjaro qui servira de support à notre séquence est un recueil de quatre reportages initialement publiés dans le recueil intitulé La Piste fauve en 1954. Les deux premiers (« La Clairière aux pygmées » et « Les derniers Dieux du Nil ») rapportent le voyage qui conduisit un Kessel soucieux de découvrir la riche faune africaine aux alentours des sources du Nil près des chutes de Murchison. Les deux suivants évoquent son séjour au Kenya dans la réserve d’Amboseli, ces deux reportages portent aussi témoignages des acteurs, lieux et fait qui devaient inspirer la trame de son roman à venir, Le Lion, publié deux ans plus tard.

Les trois premiers reportages traduisent la fascination qu’a pu exercer l’Afrique sur le reporter qui s’émerveille des beautés d’une nature restée vierge. Dans un monde en pleine mutation, Kessel a parfaitement conscience du caractère exceptionnel des expériences que la terre africaine lui fait vivre. Chacun des trois reportages est construit comme un récit initiatique où, appréhendant la beauté surnaturelle du monde, le reporter narrateur semble renouer avec ses propres origines et trouver dans l’harmonie avec la nature un sens à l’existence. Le quatrième reportage, plus anecdotique, même s’il n’est pas dépourvu de toute dimension initiatique, rapporte les événements qui ont inspirée l’intrigue du Lion.

 La séquence permettra de montrer comment, dans un premier temps, l’écriture du reportage peut entretenir la flamme lyrique et traduire l’enthousiasme né d’un mouvement de communion avec le monde. L’écriture demeurant celle du journaliste, les précisions spatio-temporelles y prennent une importance particulière et nous étudierons donc les compléments circonstanciels de temps et de lieu. La deuxième partie de la séquence sera consacrée à la comparaison entre le fait divers qui inspire une œuvre littéraire et l’œuvre elle-même. Nous verrons donc comment les témoignages qu’a recueillis Kessel l’on conduit à écrire le lion. On pourrait très bien faire suivre cette séquence d’un groupement de texte comparant les grandes œuvres littéraires aux faits divers qui les ont inspirés (de Moby Dick à l’Adversaire en passant par Le Rouge et le Noir).

https://nrp-college.nathan.fr/sequences/joseph-kessel-le-paradis-du-kilimandjaro/





lundi 4 septembre 2023

Le Tour du monde en quatre-vingts jours, séquence 5e 4e


Le Tour du monde en quatre-vingt jours
de Jules Verne est un récit plus complexe qu’il n’y paraît à première vue. Sa version abrégée s’avère particulièrement adaptée aux classes de collège. On peut viser, par son étude, le niveau cinquième dans lequel il est préconisé de « découvrir diverses formes de récits d’aventures, fictifs ou non » ou le niveau quatrième qui invite à aborder, « à travers des textes relevant des genres dramatique et romanesque, la confrontation des valeurs portées par les personnages » et à «  comprendre que la structure et le dynamisme de l’action dramatique ou romanesque, ont partie liée avec les conflits » de manière à faire saisir « les intérêts et les valeurs qu’ils mettent en jeu. » La séquence qui suit prend en compte ces deux aspects du récit, ajoutons qu’en quatrième elle pourra servir d’amorce à l’objet d’étude « Informer, s’informer, déformer ? », le périple de Phileas Fogg s’avérant riche en retentissements médiatiques ; tandis qu’en cinquième elle permettra d’aborder la question du regard sur « le monde », les héros verniens s’avérant particulièrement ethno-centrés. La séquence s’attache à montrer comment le roman d’aventures devient roman de formation, suscitant par là l’intérêt des jeunes lecteurs. Selon la classe dans laquelle le professeur abordera le roman, il mettra l’accent sur les éléments spécifiques au programme du niveau retenu.

In, L'Ecole des lettres, septembre 2023.

https://classiques.ecoledesloisirs.fr/livre/CLA-Le-Tour-du-Monde-en-quatre-vingts-jours


dimanche 3 septembre 2023

La Comète, de Joe Todd-Stanton: attraper les étoiles

En quittant la campagne pour vivre en ville, Mila et son père ne voient plus le ciel et ne prennent plus le temps d’être ensemble. Leur univers s’est rétréci. Jusqu’à ce que le père regarde les dessins de sa fille.

L’art de Joe Todd-Stanton se reconnaît immédiatement: un trait délicat qui autorise des contours assurés, des cadrages parfois surprenants mais qui donnent toujours à voir un monde apaisé, un mélange de couleurs chaudes et froides qui instaure une harmonie tranquille. La Comète interroge le rapport de l’homme à la nature et met en scène les relations parents-enfants tout en se livrant à un éloge très british de l’imagination créatrice. 

Large fenêtre sur paysage nocturne 

Deux doubles pages permettent de mettre en scène les enjeux de l’album, la première (p. 5-6) a pour cadre les murs d’une chambre d’enfant au milieu duquel s’ouvre une large fenêtre. «Ici, c’est chez moi, déclare la jeune narratrice (Mila), il y a de très grands arbres et je peux compter une centaine d’étoiles». Les murs sont couverts de dessins d’enfants et de photographies, d’un devoir noté A+ que surmonte l’image d’une fusée qui décolle ; au-dessus de la fenêtre, ce sont des canards découpés qui semblent s’envoler;à droite des lacis de feuilles colorés et une reproduction de Matisse (Icare) décorent le mur. Tout dénote un univers heureux, confiant, riche de promesses pour l’avenir.

mardi 29 août 2023

Charlotte Brontë à la recherche de voies nouvelles

Avec un riche appareil critique, les deux récentes traductions de Shirley et Villette font apparaître un réalisme social inédit confinant au romantisme industriel dans le premier et, dans le second, la liberté absolue et la modernité de l’aînée de la fratrie. 

Les éditions Gallimard ont publié fin 2022 de nouvelles traductions des deux derniers romans de Charlotte Brontë, Shirley et Villette* achevant ainsi une publication de ce qui pourrait passer pour les œuvres complètes des Brontë. Signées Laurent Bury et Véronique Béghain, ces deux traductions sont d’autant plus appréciables que les deux romans n’avaient pas été revisités depuis les années cinquante. La préface générale de Laurent Bury, qui insiste sur le laboratoire que furent les Juvenilia (l’ensemble des œuvres de jeunesse, quantitativement plus importantes que la somme publiée du vivant des sœurs), est intéressante. Le traducteur montre notamment que les veines fantastique et réaliste coexistaient déjà dans ces écrits de jeunesse. Elle souligne également la dimension hétéroclite de ces « œuvres complètes » dont la publication s’est échelonnée sans réel souci de cohérence sur plus de vingt ans. Le second volume qui contenait certains épisodes de ces Juvenilia s’avérait bien trop sélectif, sachant que des épisodes majeurs comme The Green Dwarf ou Stancliffe’s Hotel y étaient ignorés. De la même manière, les choix très restreints effectués dans la poésie d’Emily ne permettaient pas de rendre compte de l’évolution d’une œuvre qui constitue sans doute le sommet de l’œuvre brontëenne. 

 Shirley ou le « romantisme industriel » 

Si l’on peut effectivement percevoir une continuité dans l’œuvre de Charlotte, l’aînée de la fratrie qui survécut à ses cadets décédés au cours de l’année 1848-1849, on aurait tort de sous-estimer le poids du deuil sur ces œuvres dites de la maturité. Charlotte Brontë a écrit toute sa vie, mais la mort de ses frère et sœurs (celle d’Emily particulièrement) l’a profondément déstabilisée. Elle alterne des périodes de dépression et d’hyperactivité qui rendent difficile l’élaboration de Shirley, le premier des deux romans publiés. La traduction alerte de Laurent Bury lui confère un certain rythme. Il faut pourtant reconnaître que ce roman peine à trouver sa dynamique et qu’on n’y retrouve pas les ressorts dramatiques qui avaient fait le succès de Jane Eyre.



mercredi 16 août 2023

Sept contre-vérités sur l’éducation, ou pourquoi l’école se doit de transmettre des connaissances.

La librairie des écoles vient de publier un ouvrage qui, en Angleterre, a soulevé de vives polémiques, sans doute parce qu’il prend le contre-pied de toutes les réformes mises en place depuis quelques décennies dans l’enseignement. Il s’agit des 7 contre-vérités sur l’éducation de Daisy Christodoulou. Jean Nemo, fondateur des éditions La Librairie des écoles, explique, en introduction, l’intérêt d’un tel ouvrage pour les enseignants français. La promotion des compétences au détriment des connaissances n’est pas un phénomène spécifiquement français, elle s’est effectuée de la même manière en Angleterre ainsi que dans d’autres pays européens et s’accompagne du même désenchantement lorsqu’on se penche sur les évaluations des élèves. Baisse du niveau de lecture à l’entrée au collège, piètres performances en mathématiques… Jean Nemo en arrive donc à la conclusion qu’il faut savoir « remettre en cause les méthodes d’enseignements et agir. » Agir comment ? En se fondant sur les conclusions mises en avant par les neurosciences et oser braver les contre-vérités largement diffusées dans les milieux dirigeants et dans les écoles de formations des enseignants.

Recensons donc ces « contre-vérités ‑ Daisy Christodoulou utilise en réalité le mot « mythe », moins polémique – que pointe l’auteur de l’ouvrage :

- Comprendre est plus important que connaître ;

- Un enseignement trop guidé rend les élèves passifs ;

- Le XXIe siècle rend obsolète les vieilles méthodes d’enseignement ;

- Les élèves pourront toujours faire des recherches en ligne ;

- Il faut enseigner des compétences transversales plutôt que des connaissances figées ;

- C’est par les projets et les activités que les élèves apprennent le mieux ;

- Transmettre des connaissances, c’est endoctriner les élèves.

Dans chaque chapitre Daisy Christodoulou commence par montrer sur quels fondements théoriques s’appuient les mythes dont elle conteste l’absolue vérité puis elle analyse la manière dont ces idées sont mises en pratique et encouragées dans le système scolaire avant de démontrer en quoi ces pratiques éducatives défient, malgré la bénédiction des autorités éducatives, toute logique élémentaire.

Comprendre est plus important que connaître

C’est à Rousseau, Dewey et Paulo Freire qu’incombe la dévalorisation des savoirs. Tous établissent une opposition entre « les faits généralement perçus comme néfastes » et « la compréhension, le raisonnement », « la signification ». Chez ces pédagogues, la connaissance est perçue comme néfaste car la transmettre revient à placer l’élève en situation de réceptacle passif.

Daisy Christodoulou montre ensuite comment les programmes anglais qui privilégient depuis 2007 les compétences transversales ont considérablement allégé la liste des connaissances à transmettre, un peu à la manière de ce qui s’est produit plus récemment en France avec les programmes de 2016.

Pourquoi cette idée relève-t-elle du mythe ? S’appuyant sur les travaux du psychologue américain J.-C. Anderson, Daisy Christodoulou montre que « L’intelligence n’est rien d’autre que l’accumulation et l’ajustement d’une multitude de petites unités de connaissance dont l’ensemble donne naissance à la cognition complexe. »

Il n’y a donc pas de compétences sans connaissances, les connaissances qui s’inscrivent dans la mémoire à long terme, libèrent la mémoire de travail que l’élève mobilise pour réfléchir. Nous emprunterons à l’ouvrage un exemple très simple : bien peu d’entre nous s’avèrent capable de trouver instantanément le résultat d’une multiplication comme 46 x 7. Et nous n’y parviendrons qu’en décomposant l’opération, soit 40 x 7 + 6 x 7. Mais encore faut-il pour ce faire, avoir mémorisé ses tables de multiplication !

Ce qui est vrai en arithmétique vaut aussi pour les compétences langagières, la maîtrise de la profondeur historique ou les lois physiques de l’univers.

Un enseignement trop directif rend les élèves passifs

Toujours se référant à Rousseau, Dewey et Freire, Daisy Christodoulou montre que pour ces pédagogues, le maître doit se garder d’intervenir et se placer en retrait pour laisser s’épanouir la curiosité naturelle des élèves. A leurs yeux, imposer des connaissances serait immoral et néfaste. Immoral dans la mesure où la contrainte vide l’enseignement de toute joie et néfaste parce que l’enfant à qui l’on impose des connaissances devient passif, apprenant sans comprendre.

Or, il existe trois arguments majeurs en faveur de l’intervention des enseignants et d’une transmission explicite des connaissances : le premier est historique. Qu’il s’agisse de l’alphabet ou des grandes découvertes scientifiques, comment imaginer qu’un enfant puisse les reconstituer seul sans l’aide des adultes ? Si les enfants apprennent naturellement à parler, il est illusoire de penser que l’apprentissage de l’écriture ou celui des grandes lois naturelles découvertes par Euclide et Newton puisse s’opérer de la même manière.

Le second argument est d’ordre théorique : « Il nous est difficile d’assimiler de nouvelles informations lorsque nous ne bénéficions que d’un accompagnement limité, voire inexistant. C’est la conséquence des limites de notre mémoire de travail. » Confronter les élèves à des problèmes complexes, sans leur donner les moyens de les résoudre revient donc à les décourager.

Le dernier argument est d’ordre empirique : John Hattie, chercheur en science de l’éducation a comparé différentes pédagogies et montré que les plus efficaces étaient les pédagogies explicites  qui consistent à clairement définir les objectifs à atteindre et les critères de réussite, puis à effectuer des démonstrations sans détour, à en évaluer la compréhension pour ensuite si nécessaire répéter ce qui a été abordé.

Or ce type d’enseignement jugé ennuyeux par les autorités académiques est, de plus en plus souvent et partout, découragé.

Le XXIe siècle rend obsolète les vieilles méthodes d’enseignement, Les élèves pourront toujours faire des recherches en ligne 

En quoi notre époque, différant tellement des précédentes, nécessiterait-elle une pédagogie tellement nouvelle ? La première raison serait que l’existence d’espaces de stockage en ligne a mis le savoir à la disposition de tous, partout et à tout moment, il est donc devenu inutile de l’apprendre ; La deuxième raison, ressassée à l’envie par les dirigeants des milieux économiques, serait que les progrès sont devenus tellement rapides que le système scolaire se doit de développer des compétences transférables qui permettront à l’individu de s’adapter aux constants bouleversements engendrés par une technologie en perpétuelle mutation.

Avec ce type de discours on en arrive très vite à la conclusion que la somme des connaissances étant devenue exponentielle, il est inutile de les transmettre.

Or Daisy Christodoulou rappelle qu’il faut savoir hiérarchiser les connaissances et que plus une connaissance est ancienne plus elle risque de s’avérer valables dans les années à venir. Elle cite ainsi Larry Sanger, cofondateur de Wikipedia : « …posons-nous la question suivante : qu’est-ce qu’il aurait mieux valu que j’apprenne en 1995, quand j’avais 17 ans : les tenants et les aboutissants de WordPerfect et de BASIC, ou l’histoire américaine ?

La question ne devrait même plus se poser : ce que j’ai appris en histoire va rester inchangé et faire l’objet de peu de corrections. En revanche, il est parfaitement inutile aujourd’hui de connaître WordPerfect ou BASIC »

Et de conclure : « Rien ne vieillit plus vite que l’avant-garde », les défenseurs des compétences font donc fausse route lorsqu’ils invitent à sans cesse se renouveler.

Quant aux recherches sur internet, elles ne pourront jamais remplacer les connaissances puisqu’il faut précisément des connaissances pour hiérarchiser l’information à disposition sur le web.

Il faut enseigner comment apprendre plutôt qu’apprendre des connaissances

Là encore, Daisy Christodoulou démontre qu’apprendre à apprendre est une illusion et que cette idée d’un transfert des  compétences si évidente pour bien des pédagogues n’a aucune réalité. Ce n’est pas parce qu’on a exercé son esprit critique sur les origines de la seconde guerre mondiale qu’on devient capable de le faire pour une partie d’échecs. S’appuyant sur une série d’expériences célèbres, l’auteur va plus loin démontrant qu’aux échecs, comme dans toutes les disciplines, ce sont les connaissances qui font la compétence. Les grands joueurs sont ceux qui, s’étant penchés sur l’histoire des échecs, ont étudié des milliers de position, s’avérant ainsi capables, grâce à cette mémoire du jeu, de battre n’importe quel joueur moyen.

C’est par les projets, les activités que les élèves apprennent le mieux

Avec ce chapitre Daisy Christodoulou remet en cause l’un des dogmes des reformes récentes : la nécessité du décloisonnement et la mise en place de projets interdisciplinaires. On attend ainsi de l’élève qu’il se mette à réfléchir « comme un scientifique ou comme un historien ». Or, comme elle le fait justement remarquer par la suite : ce qui fait la différence entre l’historien, le scientifique et l’élève en apprentissage, c’est le stock de connaissances que les premiers ont assimilé et qui leur permet de juger de la valeur de leurs découvertes.

« Ce dont nous devons prendre conscience, conclut-elle, c’est que le processus d’enseignement par projet a quelque chose de profondément inéquitable. Cela nécessite des connaissances préalables mais ne fait rien pour les enseigner. »

L’auteure s’appuie sur de nombreux exemples qui rappellent les pratiques pédagogiques préconisées dans nos ESPE, qu’il s’agisse de faire peindre des assiettes commémoratives en histoire ou fabriquer des marionnettes pour aborder Roméo et Juliette. Que de temps perdu ! D’autant que les élèves, que ce soit en France ou en Angleterre, ne sont pas exonérés d’évaluations. « Si l’on perd du temps à faire des activités tangentes qui détournent l’attention des élèves, ces derniers finiront par apprendre par cœur – sans doute avec des erreurs – des connaissances et des compétences qui auraient dû leur être enseignées dans un contexte porteur de sens. »

Transmettre des connaissances c’est endoctriner les élèves

Tout un courant pédagogique, bien souvent d’obédience marxiste, invite à tenir pour suspectes des connaissances disciplinaires élitistes qui constituent l’apanage d’une classe sociale (la bourgeoisie) et dont la maîtrise ne vise qu’à reproduire les inégalités sociales. En conséquence, il ne faudrait pas imposer de connaissance extérieures aux élèves mais travailler sur des connaissances et expériences qu’ils ont déjà pour développer leurs facultés.

Or, fait remarquer Mme Christodoulou « Réduire et marginaliser l’enseignement des connaissances  à l’école revient à accentuer les caractéristiques antidémocratiques et inégalitaires de notre société. »

Le but de l’école devrait être de transmettre le patrimoine culturel de l’humanité : « La phrase en anglais, les valeurs de positions en mathématiques, l’énergie en physique… », autant de concepts qui ont permis à l’humanité de progresser.

Les enseigner à tous, c’est donner à tous la possibilité de revendiquer l’héritage de l’humanité, c’est aussi donner à tous les outils qui permettent de s’orienter dans un monde complexe, où la désinformation prend souvent le pas sur l’information. « Les connaissances n’endoctrinent pas, elles libèrent. »

 

Pour tous les professeurs qui n’ont pas renoncé à enseigner, à vouloir transmettre leur discipline et qui se voient parfois stigmatisés par leur hiérarchie, l’ouvrage de Daisy Christodoulou apporte non seulement la confirmation de leurs intuitions mais aussi un réconfort certain. Il n’est pas de compétences sans connaissance. Et c’est bien la connaissance  qui fonde notre humanité, il faut savoir le dire aux élèves que découragent la lecture de Racine ou l’apprentissage du subjonctif. Me reviennent en tête au moment où je rédige cette conclusion les paroles idéalistes de Keating le professeur enthousiaste (un peu trop peut être) du Cercle des poètes disparus « On lit et on écrit de la poésie parce qu’on fait partie de l’humanité et que l’humanité est faite de passions. » Passions qui ne s’arrêtent pas à la poésie mais qui valent pour tous les savoirs et savoir-faire élaborés au cours des siècles par la communauté humaine.

jeudi 3 août 2023

Réforme de l’épreuve de français : quel bilan cet été ?

Peut-on déjà dresser un bilan de la réforme du lycée initiée par Jean-Michel Blanquer, trois ans après sa mise en application ? Témoignage d’un correcteur nuancé sur l’épreuve de lettres de ce nouveau bac qui repose sur des archaïsmes mais autorise aussi un véritable questionnement sur la littérature. 

 Peut-on déjà dresser un bilan de la réforme du lycée initiée par Jean-Michel Blanquer, trois ans après sa mise en application ? Témoignage d’un correcteur nuancé sur l’épreuve de lettres de ce nouveau bac qui repose sur des archaïsmes mais autorise aussi un véritable questionnement sur la littérature. Pour la deuxième année, l’ensemble des épreuves anticipées du baccalauréat ont pu se tenir intégralement. 

Si l’on considère les programmes de français dans leur intégralité, on est frappé par la mise en avant de « L’étude de la langue » qui occupe six pages sur les douze que comportent les instructions officielles. Pourquoi cette irruption de la grammaire dans les programmes de lycée ? Était-ce à dire que le collège n’avait pas fait son travail ? Et qu’il fallait revenir sur des notions (cause et conséquence, concession, etc.) qui n’avaient pas été assimilées dans les classes antérieures ? Sans doute. Dans les faits, d’ailleurs, il faut avouer que bien peu de collégiens parviennent désormais à identifier une subordonnée conjonctive ou à maîtriser la syntaxe de la phrase complexe. La solution aura donc consisté à reporter la maîtrise de ces acquis à la fin de la classe de première. 

 L’idée est-elle judicieuse ? Oui, si l’on considère que la grammaire est un outil d’analyse essentiel à l’auto-correction. Il suffit de demander aux élèves de seconde de poser une problématique pour constater que plus de la moitié d’entre eux ne font pas la différence entre interrogations directe et indirecte. Y consacrer une leçon, proposer des exercices d’expression permet, certes, de régler le problème, mais on peut déplorer que les professeurs de lycée soient désormais obligés de passer par ces remédiations qui prennent un temps qu’on utilisait autrefois à enseigner la littérature.






vendredi 28 juillet 2023

Le Tour du monde en quatre-vingts jours

« Un jour, dira Jules Verne à des journalistes, j’ai pris un exemplaire du journal Le Siècle et j’y ai vu des calculs démontrant que le voyage autour du monde pouvait se faire en quatre-vingts jours. » On imagine aisément quelle tempête sous un crâne put déclencher cette lecture. Faire le tour du monde en quatre-vingt jours devenait possible ! Pour l’écrivain qui aimait voyager et avait fait bourlinguer tant de personnages à travers le monde entier, s’offrait là, l’occasion d’une expérience nouvelle, inédite. Ses personnages auraient à jongler non seulement avec les obstacles  géographiques mais aussi avec les impératifs temporels.

Effectuer le tour du monde en quatre-vingts jours en 1871 était de fait une performance qui pouvait manifester le triomphe de la technique sur la nature et  les éléments.  Les chemins de fers, les lignes de paquebots qui traversent les océans permettent théoriquement d’accomplir cette prouesse, Jules Verne va en faire la démonstration romanesque. Mais faire le tour du monde en quatre-vingts jours c’est aussi, d’une certaine manière, dire adieu à l’aventure. Dans ses romans antérieurs Jules Verne a envoyé ses personnages dans les zones blanches du globe terrestre, qu’ils aient cherché à gagner le centre de la terre, ou à suivre le parallèle de latitude 37°11’ ! Le monde semblait inépuisable, le voilà désormais circonscrit.

L’homme qui accomplira un tel exploit se doit d’ailleurs d’être exceptionnel, il lui faut faire preuve d’une exactitude métronomique, quel meilleur sujet qu’un de ces britanniques  méthodiques, routiniers et subitement excentriques que Jules Verne a pu observer au cours de ses voyages en Angleterre ? Phileas Fogg en sera la parfaite illustration : membre d’un club distingué, énigmatique et laconique, sa vie est réglée comme une horloge. Pour son nouveau serviteur, le français Jean Passepartout, Phileas Fogg est l’un de ces « anglais à sang froid », un « être bien équilibré dans toutes ses parties, justement pondéré, aussi parfait qu’un chronomètre. » Le serviteur inaugure, dans ce chapitre 2, la série des comparaisons et métaphores qui donnent à voir le héros du roman comme une machine.

(extrait de la préface)


Séquence disponible sur : https://www.ecoledeslettres.fr/fiches-pdf/le-tour-du-monde-en-quatre-vingts-jours-de-jules-verne-du-roman-daventures-au-roman-de-formation/


vendredi 23 juin 2023

Maurice ou le Cabanon du pêcheur, le conte perdu de Mary Shelley

 Égarée parmi les archives familiales depuis des générations, cette histoire d’enfant perdu séjournant chez un pêcheur serait le troisième roman de l’écrivaine. Petit paradis recouvert de lichen au bord de la falaise, la cabane symbolise la découverte de soi et la reconnaissance des autres. 

 Fuyant l’Angleterre puritaine en 1818 avec sa famille pour s’installer en Italie, Mary Shelley perd successivement sa fille d’un an, Clara, et son fils de trois ans, William. Elle sombre dans la dépression. Début 1820, elle donne naissance à un petit garçon, Percy Florence. Avec leur amie Claire Clairmont, qui le chaperonne depuis l’Angleterre, le couple Shelley s’installe à Pise où ils retrouvent le couple Mason, parents de deux filles, Laurette et Nerina. C’est certainement pendant cette période, après avoir écrit Mathilda1 , son deuxième roman, que Mary se lance dans l’écriture de Maurice ou le Cabanon du pêcheur. Une histoire d’enfant perdu et enlevé qui semble condenser tous les malheurs dont elle a souffert. Claire Tomalin affirme que le «journal italien de Mary Shelley mentionne qu’elle a bien écrit une histoire pour Laurette, le 10 août 18203 ». Ce que confirme la correspondance de Godwin qui a refusé de publier l’histoire de sa fille4 intitulée Maurice, l’estimant trop courte. Ensuite, Maurice a disparu. Claire Tomalin explique que c’est un courrier d’une certaine Christina Dazzi, épouse d’un descendant du couple Mason, qui l’a conduite en Italie pour authentifier le manuscrit, «Un petit livre de quelques pages cousues avec une ficelle », dédicacé ainsi: «Pour Laurette de la part de Mary Shelley.» L’ouvrage était resté dans les archives familiales depuis des générations. C’est Claire Tomalin qui assurera la première édition de Maurice or the Fisher’s Cot en 1998.




mercredi 21 juin 2023

"Hélène, princesse intrépide", analyse d'un album

Il eut être intéressant, en sixième, de commencer l’année avec un groupement de textes consacrés au thème du monstre. C’est l’occasion pour le professeur de revoir les caractéristiques grammaticales et formelles du récit. On pourra prolonger cette séquence initiale avec une lecture de l’album Hélène princesse intrépide, de Christelle Cailleteau et Julie Colombet, qui offre une variation amusante sur le topo du dragon. La séquence permettra de montrer que cet album demande des compétences de lecteur complexes puisqu’il joue de la superposition de deux narrateurs: l’un (verbal) raconte l’histoire, l’autre (visuel) la met en image. Cette juxtaposition de deux discours parfois complices, parfois antagoniques, a des effets complexes. L’histoire reposant sur des manipulations chronologiques intéressantes, nous choisissons d’étudier, en langue, le plus-que-parfait. Les deux premières séances seront menées au vidéoprojecteur, avant que les élèves aient eu accès à l’album.

1. Entrer dans l'album
2. Quand les deux narrateurs ne sont pas tout à fait sur la même longueur d'onde
3. Le plus-que-parfait
4. Accords et désaccords, les enjeux d'une double page
5. Ils ne se marièrent pas et n'eurent pas d'enfants, un scénario parodique



mardi 20 juin 2023

Mary Wollstonecraft, le destin d’une Européenne insurgée

L’écrivaine féministe et défenseuse des droits de l’homme a quitté l’Angleterre en 1784 pour le Portugal. Elle a ensuite voyagé en Irlande, en France, en Suède, en Norvège et au Danemark, pays qui ont inspiré des textes politiques et des récits de voyage. Par Stéphane Labbe, professeur de lettres (académie de Rennes) I rlande, Portugal, France, Scandinavie, la courte vie de Mary Wollstonecraft, femme du XVIIIe siècle née en 1759 à Spitalfields et morte en 1797 à Londres, fut amplement itinérante, à l’image de sa pensée, toujours en mouvement. Aujourd’hui connue pour A Vindication of the Rights of Woman (Défense des droits des femmes1 ), cette écrivaine britannique laisse une œuvre protéiforme (essais, romans, correspondance, récits de voyage) qui manifeste toutes les aspirations, mais aussi toutes les contradictions de l’une des périodes les plus tourmentées de l’histoire européenne.

https://www.gwalarn.com/livre/22392973-l-ecole-des-lettres-n4-mai-2023-collectif-ecole-des-loisirs






vendredi 31 mars 2023

Emily, de Frances O’Connor : âme révoltée dans les landes anglaises

Emily, de Frances O’Connor : âme révoltée dans les landes anglaises Bravant l’exactitude biographique pour se concentrer sur les élans et les émotions de la jeune autrice des Hauts de Hurlevent, la comédienne australienne signe un premier long métrage non pas fidèle, mais crédible et sensible. 

Avec Emily, il semble clair que la réalisatrice Frances O’Connor n’a pas recherché l’exactitude biographique. Le scénario compte un certain nombre d’erreurs, et son film est beaucoup plus éloigné de la vérité historique que ne l’était celui d’André Téchiné, Les Sœurs Brontë[1]. En revanche, la comédienne australienne, qui réalise ici son premier long métrage, propose le portrait d’une Emily Brontë romanesque et crédible.

Suite de l'article sur le site de l'école des lettres






vendredi 24 mars 2023

La science en question dans Le Rayon vert de Jules Verne

 Les « prolongements » aux lectures indicatives signalées dans Bulletin officiel spécial n°1 du 22 janvier 2019 suggèrent la lecture de l’un « Voyages extraordinaires » de Jules Verne pour illustrer la seconde grande thématique du programme : les représentations du monde. L’objet d’étude « Décrire, figurer, imaginer » semble si parfaitement caractériser l’œuvre de notre illustre romancier qu’il semble vain de chercher à justifier son utilisation en cours. Qui, mieux que Jules Verne, a su glorifier les vertus du progrès scientifique et la pensée positive dans les dernières décennies du XIXe siècle ? L’œuvre de Jules Verne est si bien assimilée au développement de la vulgarisation scientifique qu’on en a oublié qu’elle était avant tout une œuvre romanesque qui exalte l’imagination. Les instructions officielles invitant à explorer « le rôle de l’imagination et l’usage de la fiction dans le développement des savoirs sur la nature et sur l’homme », il nous a semblé intéressant de retenir une œuvre assez atypique du corpus vernien, Le Rayon vert[1], publié en 1862. La science y a certes sa place, et c’est en quête d’un mythe scientifique (le fameux rayon) que partent les protagonistes de notre histoire. Mais, elle y est aussi caricaturée, incarnée par un scientifique aussi sot que vain (le jeune Aristobulus Ursiclos dont le patronyme constitue à lui seul un programme) et finalement réduite au rang de faire valoir d’un imaginaire qui, prenant appui sur les croyances ancestrales de l’humanité, semble infiniment plus précieux que le discours desséchant d’un positivisme triomphant. L’œuvre pourra faire suite à l’étude d’un groupement de textes consacrés aux combats menés par Descartes, Kant et les philosophes du XVIIIe pour imposer le rationalisme dans l’Europe moderne.

https://nrp-lycee.nathan.fr/sequences/la-science-en-question-dans-le-rayon-vert-de-jules-verne/





 



[1] Nous utilisons pour cette étude la seule édition courante disponible du Rayon vert, le « Livre de Poche » n° 2060 publié en 2004.