Article publié dans le n° 5 de l'Ecole des lettres, 2011-2012
Le tableau de John Everett Millais intitulé Feuilles d’automne (Autumn Leaves) appartient à un « triptyque » dans lequel le peintre affirme une doctrine de l’art pour l’art qui l’éloigne du préraphaélisme dont il a pourtant été l’un des piliers et membres fondateurs.
En effet, avec Dante Gabriel Rossetti et William Holman Hunt, il a vu dans l’oeuvre de Raphaël une « corruption » de l’art et fondé, en 1848, la confrérie des préraphaélites, dont la volonté affichée était de revenir aux principes de l’art primitif italien.
Elle suivait en cela les conseils du poète et critique d’art John Ruskin qui, dans les Peintres modernes, fustigeait l’académisme de la peinture anglaise de l’époque. Et, si les préraphaélites représentaient volontiers le Moyen Âge ou des scènes tirées de la littérature contemporaine, ils manifestaient toujours des préoccupations d’ordre moral et social.
Avec La Jeune Fille aveugle (1856), Feuilles d’automne (1856) et Printemps (1859), les trois volets de ce triptyque, Millais, désormais membre de la Royal Academy, manifeste sa liberté retrouvée. Dans La Jeune Fille aveugle, qui s’appuie pourtant sur un thème à vocation sociale (l’errance des enfants sans famille), le peintre évite tout misérabilisme
et met en image une communion heureuse de l’homme avec la nature. Quant à Feuilles d’automne, tableau « sans sujet », selon la propre femme de l’artiste, il constitue l’une des oeuvres les plus mystérieuses du peintre.
Millais a cherché à restituer, à travers une scène de genre, la mélancolie inhérente à la conscience du temps qui passe. D’après Malcolm Warner *, il se serait inspiré des jardins de sa propriété de Perth, en Écosse ; les critiques évoquent généralement aussi l’influence de ces vers d’Alfred Tennyson, pour qui le peintre éprouvait une vive admiration :
Tears, idle tears, I know not what they mean,
Tears from the depth of some divine despair
Rise in the heart, and gather to the eyes,
In looking on the happy autumn-fields,
And thinking of the days that are no more.
(The Princess, 1847).
Larmes, vaines larmes, je ne sais ce qu’elles signifient,
Les larmes issues des tréfonds d’un divin désespoir
S’élèvent du coeur et montent aux yeux,
Lorsque contemplant le bonheur des champs d’automne
Je pense aux jours qui ne sont plus.
1. Composition du tableau
2. Interprétation