Révision

La plupart des articles (traductions exceptées) ont été révisés au cours de l'automne 2014, d'où certains anachronismes au regard de la date de publication.
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lundi 2 mai 2022

La Trahison d’Einstein d’Éric Emmanuel Schmitt : confrontations de valeurs

La Trahison d’Einstein est une pièce construite par le dramaturge franco-belge sur une bataille d’arguments entre le savant et un vagabond. C’est donc une œuvre indiquée pour l’objet d’étude « Individu et société : confrontations de valeurs » en quatrième, et « Agir dans la cité : individu et pouvoir » en troisième.

La Trahison d’Einstein est une pièce d’Éric-Emmanuel Schmitt, mise en scène au théâtre Rive gauche pour la première fois en 2014. Le prétexte en est la rencontre d’Albert Einstein et d’un vagabond dans un parc de Princeton, dans le New Jersey. Einstein, alors au sommet de sa célébrité, a demandé l’asile aux États-Unis pour fuir les persécutions nazies. De cette rencontre naît une amitié improbable qui s’échelonne sur les dernières années de la vie du savant. « Comme nous ne sommes d’accord sur rien, nous avons toujours quelque chose à nous dire. », s’amuse Einstein à un moment de la pièce. L’œuvre fournit donc un matériau idéal aux objets d’étude de quatrième, « Individu et société : confrontations de valeurs », ou de troisième, « Agir dans la cité : individu et pouvoir ». La séquence qui suit vise plutôt à exploiter la thématique des confrontations de valeurs, mais peut être adaptée au niveau troisième. Les séances 2 et 6, qui exploitent des confrontations entre pacifisme et défense des militaires, puis racisme et nationalisme, pourront être enrichies de recherches lexicales sur les thèmes abordés. En matière d’expression écrite, ce travail peut déboucher sur la rédaction d’un dialogue de théâtre opposant deux points de vue.

Séance 1 : l'ouverture de la pièce

Séance 2 : Le sacrifice d'Einstein

Séance 3 : Ecrire un dialogue argumenté

Séance 4 : L'expression de la cause

Séance 5 : Explication d'un titre

Séance 6 : La confrontation avec O'Neal



mardi 1 juin 2021

"Jules César", de Shakespeare, ou l'autorité de la parole en question

Bill Bryson rapporte que la première référence connue au théâtre du Globe (le fameux théâtre de Shakespeare) est due à une lettre d’un jeune touriste suisse, Thomas Platter, qui affirme s’être agréablement diverti au spectacle d’un Jules César « joué de manière fort plaisante ». La pièce qui n’est pas la plus connue des tragédies de Shakespeare en France, passe pour un modèle de réflexion politique aux États-Unis où elle est régulièrement étudiée. François Laroque, lui, souligne le caractère paradoxal de la pièce dont le héros-titre disparait très tôt et montre qu’elle offre au spectateur ou au lecteur un « sommet dans l’art de persuader » se référant au discours d’Antoine qui parvient à retourner une foule. On voit ainsi  pour quoi la tragédie offre un support idéal pour guider une réflexion sur l’autorité de la parole ‑ qu’il s’agisse d’une parole privée ou le poète de Stratford laisse entrevoir les grandeurs et petitesse des gouvernants ou de discours politiques tantôt sincère, tantôt manipulateurs mais essentiels au déroulement de l’intrigue. Les enjeux politiques de la pièce (le maintien ou non de la république romaine après la mort de César) font échos aux temps troublés que Shakespeare lui-même connut : Paul Bacquet montre que complots et agissements souterrains menaçaient de toute part la fin du règne d’Elisabeth première. La pièce n’a cependant rien perdu de son actualité et une mise en scène de 2017 au Public Theater de New York qui remplaçait la figure de César par celle de Trump a créé une vive polémique. La séquence qui suit interrogera donc la notion d’autorité de la parole et ses fondements, il conviendra, avant de la mettre en œuvre, d’avoir abordé, d’un point de vue méthodologique, les questions de réflexion et d’interprétation dans le cadre d’un groupement de texte consacré à l’art de la parole qui aura permis de faire assimiler les grands principes de la rhétorique classique.

 

Objet d’étude : Les pouvoirs de la parole

                              - L’art de la parole (séances 2 et 3)

                              - L’autorité de la parole (séances 1,  2, 3 et 4)

Support : Jules César (traduction de F.-V. Hugo, in Titus Andronicus / Jules César / Antoine et Cléopâtre / Coriolan, GF, 1965)

 

Bibliographie

À lire

Lionel Bellenger, La Persuasion, « Que sais-je ? », PUF, 1996 ;

Paul Bacquet, Le Jules César de Shakespeare, SEDES, 1974 ;

François Laroque, Dictionnaire amoureux de Shakespeare, Plon, 2016 ;

Bill Bryson, Shakespeare : Antibiographie, Payot, 2016 ;

Stephen Greenblatt, Tyrans. Shakespeare raconte le XXe siècle, Saint-Simon, 2019.

À consulter

« Jules César » ou le désir impossible de pureté de l’acte politique, émission de France Culture : https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/les-pieces-romaines-de-shakespeare-14-jules-cesar#:~:text

Julius Caesar (Jules César) mis en scène par Arthur Nauzyciel

https://www.t-n-b.fr/media/tnb/183565-julius_caesar_fiche_pedagogique_2_.pdf

Le Julius Caesar en anglais sur Wikisource : https://en.wikisource.org/wiki/The_Tragedy_of_Julius_Caesar_(unsourced_edition)

La séquence sur

https://nrp-lycee.nathan.fr/?s=Jules+C%C3%A9sar+Shakespeare



lundi 13 mai 2019

Tyrans de Stephen Greenblatt, où comment Shakespeare nous décrit Trump et quelques autres

Avec Tyrans, Shakespeare raconte le XXIe siècle (1), Stephen Greenblatt, professeur de littérature à Harvard (on lui doit aussi la magnifique étude intitulée Quattrocento (2), qui montrait l’influence déterminante d’une redécouverte, celle du De Natura rerum sur l’esprit de la Renaissance), s’attache à démontrer, une nouvelle fois, l’intemporalité des chefs d’œuvres et comment, l’œuvre de Shakespeare peut contribuer à nous guider dans l’exploration de notre présent torturé.

Les tyrans sont nombreux chez Shakespeare, on songe tout de suite à Richard III ou à Macbeth mais le mérite du livre de Stephen Greenblatt est d’envisager la tyrannie sous tous ses aspects et de montrer comment elle s’installe, quels types de personnalités elle favorise, comment elle gouverne ‑ dans l’irrationalité le plus souvent ‑ et parfois comment elle s’écroule ou plus rarement s’amande.

C’est à l’humaniste écossais George Buchanan que notre historien fait appel pour rappeler les sources qui ont pu alimenter la réflexion du barde de Stratford : « Un roi règne sur des sujets qui l’ont voulu, un tyran sur des sujets qui ne l’on pas voulu. » Même si elle est contestable, cette esquisse de définition souligne le caractère illégitime du tyran et Buchanan de montrer que les institutions d’un pays libre cherchent à écarter ceux qui veulent gouverner « pour eux-mêmes et non pour l’intérêt général

On ne peut s’empêcher, ces premières constatations faites, de songer au président Trump qui, s’il n’est jamais nommé, ne cesse d’apparaître en filigranes derrière les développements de cet essai lumineux. Comme le York de la trilogie consacrée à Henri VI, il est celui qui a su faire « alliance avec les classes inférieures, misérables dédaignés et ignorantes ». Le tyran est celui qui fait preuve d’un « populisme déguisé », il flatte le peuple, se prétend du peuple, affiche généralement un nationalisme outrancier mais n’hésite pas à s’appuyer et à nouer des relations secrètes avec l’ennemi de toujours ‑ ainsi York s’allie-t-il avec la France. Et bien évidemment, au plus profond de lui, il n’a que mépris pour ce peuple qui l’adule.

« Toute ressemblance…. » suggère Greenblatt, serait involontaire et fortuite, pourtant quand il dessine le portrait psychologique de Richard III. Le Roi Richard esr atteint de narcissisme pathologique. IL croit que tout lui est dû à un point éffreyant et ne doute jamais de pouvoir faire ce qui lui plaît. Il aime aboyer ses ordres et voir ses inférieurs les exécuter. Il s'attend à une loyauté abolue mais est incapables de gratitude. Les sentiments d'autrui ne signifient rien pour lui." Le lecteur ne peut s'empêcher de se livrer au jeu des associations diées.

Le Tyran n'arrive pas seul au pouvoir, il peut compter sur les hommes de l'ombre qui cherchent à tirer profit de son magnétisme et qui la plupart du temps s'y brulent. Et la tyrannie révèle la nature humaine: il est ceux qui la favorient pour en profiter, ceux, beaucoup plus rares qui l'affrontent, illustrant le fameux paradoxe sartrien : Jamais nous n’avons été aussi libres que sous l’occupation allemande ») (3) ainsi en va-t-il de Kent qui, au début du Roi Lear, ose défier son maître pour lui signifier sa folie ou de Pauline, dans Le Conte d’hiver, qui tente de sortir le roi Léonte de ses illusions destructrices.

Car le tyran, bien souvent, est fou, il peut certes accéder au pouvoir lucidement, de façon concertée, machiavélique, détruisant les institutions, méprisant et massacrant les êtres : ce que font les Richard III et Macbeth. Ils n’en sont pas moins, estime Greenblatt, victimes d’une forme de dégénérescence psychologique.

Mais cette dégénérescence peut aussi accabler les souverains légitimes (Lear, Léonte dans Le Conte
d’hiver
), surgissant de façon inexplicable : quelle mouche a bien pu piquer Lear lorsqu’il s’adonne à l’exercice puéril d’exiger des preuves d’amour de ses trois filles ? Pour quelles raisons Léonte devient-il soudain furieux de jalousie, au point de détruire son mariage, une vielle amitié, sa propre fille et son royaume ? Si Le Conte d’hiver se termine sur une note positive, la rédemption du tyran, il n’en va pas de même du Roi Lear :
« À l’an fin, écrit- l’universitaire, aucun des monstres n’est plus en vie pour savourer les fruits de sa victoire.

Malgré tout leur mort ne peut effacer la tragédie de Cordélia ou l’affliction indicible de son père […] De manière plus poignante que nulle part ailleurs  dans son œuvre, Shakespeare insiste ici sur le caractère irréparable de la perte que la tyrannie laisse dans son sillage. »

On voit donc combien la réflexion de Stephen Greenblatt peut nous être précieuse. « God bless America », a-t-on envie de dire, rien ne réparera les dégâts commis par l’administration chaotique de Trump, les modestes avancées sociales que son prédécesseur avait amorcées, les décisions délirantes en matière de politique environnementales et étrangères vont causer des dégâts irréversibles. À l’heure où, par ailleurs, 60 % des Français se déclarent favorables à la mise en place d’une application tracking sur leurs portables, il est plus que temps de relire Shakespeare et de prendre connaissances de la lecture judicieuse qu’en fait Stephen Greenblatt. Qui nous prouve s’il en était besoin, combien les classiques sont actuels, intemporels et riches de significations qui nous concernent.

 

(1) Stephen Greenblatt, Tyrans Shakespeare raconte le XIXe siècle, Saint-Simon, 2019.

(2) Stephen Greenblatt, Quatrocentto, Libres champs, Flammarion, 2015.

(3) Sartre, « La République du silence », in Situation III, 2018.

dimanche 20 janvier 2019

Emily Brontë en France

Morte à trente ans, auteure d’un unique roman, Wuthering Heights (Les Hauts de Hurle-Vent en français) publié en 1847 et qui demeura longtemps dans l’ombre d’un autre chef d’œuvre, le Jane Eyre de sa sœur Charlotte, Emily Brontë est longtemps demeurée un mystère.

 Aujourd’hui sa silhouette fantomatique errant à jamais dans l’immensité de l’âpre lande où elle a situé la sombre intrigue de son roman, fait partie du folklore que des milliers de touristes vont, chaque année, chercher à Haworth, le village où elle a passé la quasi-totalité de sa brève existence.

L’Emily des biographes et essayistes

 Dans un pays qui s’est enthousiasmé pour le mythe du poète maudit soigneusement élaboré par Verlaine, son double féminin d’outre-Manche ne pouvait que rencontrer le succès. La première traduction de Wuthering Heights, le roman d’Emily Brontë, est due à Téodor de Wyzewa (1)  qui dans une longue préface cherche à percer les mystères de l’auteur de ce livre si étrange, qu’il a choisi d’intituler Un amant.

http://actualites.ecoledeslettres.fr/litteratures/emily-bronte-en-france/#more-27947

vendredi 23 janvier 2015

La "Qualité du pardon" de Peter Brook

La réflexion du metteur en scène

Peter Brook entretient avec Shakespeare une intimité que seuls les metteurs en scène ou les acteurs peuvent cultiver. Pour un professeur de lettres, la lecture qu’un homme de théâtre peut faire d’une œuvre dramatique a quelque chose de vivifiant. Le metteur en scène ne considère pas la comédie ou la tragédie comme un ensemble de signes à décrypter mais comme un texte vivant dont il convient de restituer l’émotion, la justesse, la force ou la vérité.

Un essai sur La Tempête

La Qualité du pardon – le dernier ouvrage de Peter Brook, un recueil de réflexions sur le théâtre shakespearien ‑ est aussi le titre d’un essai consacré à l’une des pièces les plus énigmatique de Shakespeare, La Tempête. Peter Brook commence par la fin, par ces derniers mots de Prospero qu’on prend généralement « pour un [simple] adieu avant la fin du rideau ». « Ma fin est désespoir, dit en l’occurrence Prospero, à moins qu’elle ne soit secourue par une prière si perçante qu’elle s’élance même à l’assaut du pardon. »
Quelle signification attribuer à ces étranges paroles qui manifestent toute la profondeur de Shakespeare ? Peter Brook revient sur l’intrigue, montre que Prospero qui a été dépossédé du pouvoir et débarqué ‑au sens propre, comme au sens figuré ‑ par son frère sur cette île ou commence l’action était probablement un mauvais roi. Dans cette dynamique qui oppose l’ordre au chaos, le prince est le garant de l’ordre, or Prospero s’intéressait à la culture aux livres, aux idées mais pas à son royaume. Il a « trahi l’ordre » que son frère a su restaurer.
Sur l’île Prospero devient un puissant magicien, domptant les esprits et les forces de la nature. Il acquiert ainsi une liberté véritable. Mais à la fin de la pièce, après avoir essuyé les conspirations et intrigues de ses proches, après en avoir triomphé, il comprend qu’il lui faut renoncer à la magie pour n’être qu’un homme parmi les hommes. Et Peter Brook de montrer que, dans les balancements entre l’ordre et le chaos, entre le pouvoir et le renoncement au pouvoir, entre l’orgueil et l’humilité, le discours final de Prospero est une résolution qui est aussi solution : il n’est qu’une force pour métamorphoser positivement et durablement toute vie humaine. Et cette force, c’est ce qu’ailleurs Shakespeare appelle « the quality of mercy » ‑ la qualité du pardon – dont la valeur n’est assurée que par l’authenticité d’une prière acérée. On peut lire l’ensemble des essais à la lueur de cette réflexion qui résume la force de Shakespeare.

Shakespeare a-t-il existé?

Peter Brook s’amuse des conjectures que soulève l’existence même de Shakespeare. Fort de son expérience d’homme de théâtre, il constate qu’ « Il est étrange » et « même irréel, d’imaginer que Shakespeare qui, année après année, » travaillant au cœur d’une troupe, « au milieu de tous ces employés fatigués et mécontents, n’ait jamais vu sa qualification d’auteur mise en doute. Toutes les théories qui ne prennent pas en compte les répétitions et les représentations restent flottantes. » Shakespeare est Shakespeare parce qu’il fut un homme de théâtre qui travaillait au sein d’une équipe dont les résultats dépendaient de ses écrits et réflexions qu’il devait confronter, jour après jour, à l’épreuve de la scène et des répétitions. On pourrait faire remarquer au passage que sa théorie vaut aussi pour Molière. Comment aurait-il pu se faire passer avec autorité, auprès de sa troupe, de son public, de ses protecteurs, pour le maître de son théâtre, de ses représentations si Corneille avait été l’auteur caché de son œuvre ?
Mais si Peter Brook dénie à Francis Bacon et à une soixantaine d’autre prétendants la pérennité d’Hamlet, c’est parce qu’il craint pour l’économie de Stratford. On l’aura compris, il sait aussi évoquer avec humour l’énigme Shakespeare. Il raconte, à ce sujet, une anecdote des plus amusantes : peu après la guerre, le metteur en scène qui préparait une représentation de Roméo et Juliette, se rendit à Vérone. La ville prospérait déjà sur le commerce engendré par les amants malheureux de Shakespeare. À un guide qui déployait des trésors d’éloquence pour lui montrer la maison des Capulet et l’endroit exact où Roméo s’est donné la mort, notre metteur en scène jugea bon d’objecter que Roméo et Juliette n’avaient au fond jamais existé. Comment le guide pouvait-il, jour après jour, raconter de telles histoires ? Il faut sans doute tout le fair-play anglais pour rapporter la réplique du guide : « Oui vous avez raison, c’est vrai. Et nous ici à Vérone, savons tous que Shakespeare n’a jamais non plus existé. »

De l'expérience à la réflexion

Les propos de Peter Brook sont riches d’anecdotes que le lecteur se réjouira de découvrir. Lorsque notre metteur en scène se rendit à Vérone, la pièce de Shakespeare n’y avait jamais été mise en scène. Et Peter Brook a eu le privilège d’assister à cette mise en scène qui devait rester dans les mémoires des Véronais. Nous ne raconterons pas ici comment le public de Vérone fut sidéré par le texte de Shakespeare, sans doute très éloigné de ses attentes mais l’anecdote manifeste la force inaltéré du dramaturge élisabéthain.
Les réflexions du metteur en scène s’ancrent toujours dans la vie et dans l’expérience qu’il a de la scène, elles touchent aussi bien aux célébrités ‑ et l’amateur de théâtre lira avec émotion, sinon une certaine nostalgie, le récit que rapporte Peter brook de la tournée européenne de Titus Andronicus ; la pièce était interprétée par Laurence Olivier et une Vivien Leigh déjà taraudée par la maladie – qu’à ses expériences d’improvisation avec les jeunes des cités, il montre, par exemple,  comment certains d’entre eux sont parvenus à une compréhension de Mesure pour mesure que pourraient leur envier bien des acteurs.
C’est par l’épreuve de la mise en scène que Peter Brook a conquis une compréhension aussi profonde du théâtre élisabéthain : il confesse que sa propre adaptation de Roméo et Juliette fut un échec.  Rétrospectivement, il y voit un échec salutaire qui lui aura permis d’appréhender la qualité dramatique des pièces de Shakespeare : « ce qu’il manquait, constate-t-il, c’était un tempo continu, une pulsation irrésistible menant d’une scène à l’autre », ce « tempo », constituant l’essence même du théâtre élisabéthain.
De l’échec de son Roméo et Juliette à la réhabilitation de pièces comme Timon d’Athènes ou Titus Andronicus, nous assistons aux tâtonnements du metteur en scène, à l’acquisition de quelques certitudes. Comme celle qui résulte d’une observation du dénouement de Peines d’amour perdues. Alors que les metteurs en scène ont tendance à minimiser ou édulcorer, la nouvelle de la mort du père de la princesse, qui passe généralement pour une simple astuce de clôture, Peter Brook considère qu’il faut au contraire lui donner toute sa place, sinon, écrit-il, « on néglige l’intuition du jeune Shakespeare qui a parfaitement compris que la légèreté, pour être vraie, a besoin de l’ombre de l’obscurité. » Il réhabilite aussi le Roi Lear (le personnage) nous rappelant qu’un « héros tragique est toujours un être humain de valeur » et il montre la nécessité de ne pas réduire ses filles Goneril et Régane, à des caricatures. Il saisit dans le monologue d’Hamlet un point d’inflexion qui pourrait bien aussi être celui de la pièce.

Sur le métier, sans cesse...


La Qualité du pardon est donc un recueil d’articles essentiels qui confirment si besoin en était à quel point le théâtre de Shakespeare est actuel et universel, combien, à l’image de la vie, il est fluide, complexe et, parfois, insaisissable. Évoquant sa mise en scène de Titus Andronicus ‑ qui fut pourtant un succès ‑  Peter brook a ces mots qui, d’une certaine façon, légitiment de façon définitive et la lecture de Shakespeare et le nécessaire travail du metteur en scène toujours recommencé : « La pièce doit de nouveau être ramenée à la vie, mais avec les yeux d’aujourd’hui. Avec les yeux du passé, rafraîchis par le sentiment de la réalité présente, elle nous montre des formes nouvelles, des montagnes et des gouffres nouveaux, des lumières et des ombres nouvelles. Et nous sommes étonnés de ne pas les avoir remarqués plus tôt. »

samedi 21 juin 2014

Epreuves de littérature TL 2014

Le sujet national des épreuves de littérature en terminale L a pris appui, cette année, sur le domaine d’étude « Lire écrire publier » et invité les candidats à réfléchir sur le drame de Musset, 
Lorenzaccio. Les deux questions bien ciblées visaient à faire mettre en œuvre les connaissances liées au domaine d’étude. Notre proposition de corrigé se veut une réponse « réaliste » dans la mesure où il a été effectué dans les conditions de l’examen. Le lecteur voudra donc bien nous pardonner l’imprécision de certaines références . 

Question 1 . L’œuvre de Musset, « Lorenzaccio », a d’abord été publiée en 1834 au sein du recueil « Un spectacle dans un fauteuil ». En quoi ce choix peut-il guider la lecture de la pièce ? 

 Publié en 1834, le tome deux du Spectacle dans un fauteuil de Musset regroupe des œuvres de genres et de tonalités variés. Le premier volume, par exemple contient essentiellement des œuvres dramatiques (Lorenzaccio figurant en tête d’ouvrage), mais on y trouve aussi un fragment du livre XV des Chroniques florentines qui ont inspiré Musset. Il y a, pour le lecteur d’aujourd’hui, quelque chose de paradoxal dans le titre choisi par Musset : qu’est ce en effet qu’un spectacle qui serait conçu pour l’intimité d’un lecteur confortablement calé dans son fauteuil – en une époque où la télévision n’avait pas encore fait irruption dans les salons ? Ce théâtre qui se donne à lire, n’a-t-il pour vocation que d’être lu ? Nous montrerons que si Musset a, de façon intentionnelle, conçu son théâtre pour la lecture, il n’a pas pour autant rejeté l’idée de mise en scène. 

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samedi 14 septembre 2013

"3000 façons de dire je t'aime" de Marie-Aude Murail

Article publié dans le n° 1 de l'Ecole des lettres 2013-2014. 

Trois mille façons de dire je t’aime, le dernier livre de Marie-Aude Murail, peut offrir une excellente approche du monde du théâtre. En évoquant la passion de trois adolescents pour la scène, il montre à quel point le théâtre peut toucher nos vies et les transformer. 
C’est, en effet, une véritable catharsis qu’il opère sur les trois jeunes protagonistes, en leur permettant de se trouver et d’exister au sein d’une société plus oppressive qu’émancipatrice et qui n’offre guère de sens à l’existence. 
Ce joli roman de formation devrait captiver les adolescents et leur ouvrir d’intéressantes perspectives, car c’est par le biais des oeuvres qu’ils sont amenés à lire et à interpréter que les trois héros découvrent et acceptent les richesses de leur personnalité. 
La littérature, le théâtre, la poésie – considérés non comme un pensum scolaire, mais comme objets de dialogue – peuvent influencer la vie. Dans Avoir ou être (Robert Laffont, 1978), le psychanalyste américain Erich Fromm écrivait que la véritable lecture est un dialogue entre l’auteur et le lecteur.

1/ Exposition : ouverture du roman
2/ "Lancez-vous, mademoiselle, après tout, il ne s'agit que de mourir!"
3/ Tu préfères toujours le drame alors!
4/ Sujet de brevet.

samedi 6 juillet 2013

« L’importance d’être Constant », d’Oscar Wilde, traduit par Charles Dantzig

L’Importance d’être Constant est sans doute la plus subtile des comédies d’Oscar Wilde et la nouvelle traduction de Charles Dantzig lui rend indéniablement justice, restituant l’élégance des dialogues et la force jubilatoire des bons mots.
Jack Worthing et Algernon Moncrieff, deux jeunes dandies londoniens, sont tous les deux des adeptes du « bunburyisme ». Le néologisme est d’Algernon qui s’est inventé un ami souffreteux, un certain Bunbury, dont les maladies lui offrent opportunément l’occasion d’échapper aux obligations mondaines qu’il juge assommantes. 
Si Jack est amoureux de Gwendolen, la cousine d’Algernon, Algernon ne va pas tarder à tomber amoureux de Cecily, la pupille d’Algernon. Dans ce chassé-croisé amoureux, Wilde s’éloigne des schémas dramatiques éprouvés qu’il a jusqu’alors expérimentés pour renouer avec la tradition de la comédie shakespearienne.

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