Révision

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mercredi 2 mars 2022

Mort sur le Nil, l’heureuse trahison de Kenneth Branagh

Le cinéaste s’est lancé dans une réécriture à la fois classique et baroque du roman d’Agatha Christie. Il donne une vision romantique et joyeuse d’Hercule Poirot. Une de ses plus belles réussites depuis Henri V. 
Depuis 1989 et son Henri V, Kenneth Branagh n’a cessé d’adapter au cinéma des œuvres littéraires dont il donne généralement une interprétation des plus personnelles. S’il a su adapter Shakespeare avec bonheur (avec Henri V notamment ou Beaucoup de bruit pour rien), il a également parfois été sujet à controverse, et sa première adaptation des aventures du petit détective belge d’Agatha Christie (Le Crime de l’Orient-Express) a été beaucoup décriée par la critique, sans doute était-il difficile de passer après Sydney Lumet. 
 Avec Mort sur le Nil – en salles depuis le 9 février –, Kenneth Branagh récidive et donne un film d’une grande intensité, tout en approfondissant sa vision du personnage d’Hercule Poirot. Les inconditionnels d’Agatha Christie seront peut-être déçus. Ils peuvent aussi se dire que c’est le propre des grandes œuvres que de donner matière à interprétations multiples, voire contradictoires, que l’on songe aux destins de personnages comme Robinson ou Sherlock Holmes. On retrouvera dans cette version de Mort sur le Nil deux des qualités qui font l’esthétique de Kenneth Branagh. Un classicisme assumé : le réalisateur aime l’unité d’action, les parallélismes et l’équilibre. Ainsi que des décors baroques et des situations cocasses qui donnent à son cinéma un élan particulier, une esthétique déroutante mais bienvenue lorsqu’elle est maîtrisée. 
Curieusement, c’est en voulant imposer sa vision d’un Poirot humain, qui cherche à justifier la mécanique de ses petites cellules grises, que le réalisateur se montre le plus classique. Le film est découpé en deux parties bien nettes, la première, lumineuse, dominée par la figure rayonnante d’une Gal Gadot joliment ambiguë (Linnett Ridgeman) et les blues endiablés de Rosetta Tharpe, remis au goût du jour par le personnage Salome Otterbourne, une création réussie des scénaristes, conduit gaiement les personnages vers un premier dénouement dramatique, la mort de Linnett. Commence alors la deuxième intrigue, tournée de façon beaucoup plus sombre, où le personnage de Poirot endosse son rôle habituel d’enquêteur.