Révision

La plupart des articles (traductions exceptées) ont été révisés au cours de l'automne 2014, d'où certains anachronismes au regard de la date de publication.

jeudi 19 août 2010

On the beach at night (3)


Then, dearest child, mournest thou only for Jupiter?
Considerest thou alone the burial of the stars?

Something there is,
(With my lips soothing thee, adding, I whisper,
I give thee the first suggestion, the problem and indirection,)
Something there is more immortal even than the stars,
(Many the burials, many the days and nights, passing away,)
Something that shall endure longer even than lustrous Jupiter,
Longer than sun, or any revolving satellite,
Or the radiant brothers, the Pleiades.

Alors, enfant chérie, est-ce pour la seule Jupiter que tu te désoles ?
Est-ce seulement la mort des étoiles qui te préoccupe ?

Il existe quelque chose
(Je te le murmure de ma voix apaisante
Je te confie la suggestion initiale, le problème et le moyen de l'éviter)
Il existe quelque chose de plus éternel que les étoiles,
(Qui dépasse les jours et les nuits qui meurent sans cesse,)
Quelque chose qui durera plus longtemps que l'éclatante Jupiter,
Plus longtemps qu'aucun soleil ou qu'aucun satellite en orbite,
Plus longtemps que les soeurs radieuses des Pléiades.

Leaves of grass, 1855, pour la première publication .

mardi 17 août 2010

On the beach at night (2)

From the beach, the child, holding the hand of her father, 
Those burial-clouds that lower, victorious, soon to devour all,
Watching, silently weeps.

Weep not, child,
Weep not, my darling,
With these kisses let me remove your tears;
The ravening clouds shall not long be victorious,
They shall not long possess the sky—shall devour the stars only in apparition:
Jupiter shall emerge—be patient—watch again another night—the Pleiades shall emerge,
They are immortal—all those stars, both silvery and golden, shall shine out again,
The great stars and the little ones shall shine out again—they endure;
The vast immortal suns, and the long-enduring pensive moons, shall again shine.

De la plage, l'enfant qui tient la main de son père,
Observe ces nuages, fossoyeurs funestes qui se pressent de tout engloutir
Et pleure, en silence.



Ne pleure pas, mon enfant,
Ne pleure pas, ma chérie;
Laisse ces baisers, chasser ces larmes.
Ces nuées voraces ne seront pas tout le temps victorieuses.
Elles ne possèderont pas le ciel très longtemps, et ne dévooreront les étoiles que de façon
illusoire.

Prends patience, Jupiter émergera, contemple le ciel une autre fois, les Péïades se
lèveront.

Elles sont immortelles, toutes ces étoiles aux éclats d'or et d'argent resplendiront
encore,

De la plus grande à la plus infime, elles brilleront encore - elles durent;
Vastes soleils éternels et lunes toujours pensives brilleront de nouveau
.
Leaves of grass, 1855, pour la première publication .

mercredi 11 août 2010

Klimt, les trois âges de la femme

Allégorie dans la tradition de Baldung et du Titien, les trois âges de la femmes présentés par Klimt en 1905 délivrent néanmoins un discours résolument moderne. Le cadrage tout d'abord s'avère des plus intéressant, on ne pourra que déplorer les reproductions du tableau qui resserrent l'espace entourant les femmes. Délester le tableau de ses espaces latéraux, c'est évidemment élargir proportionnellement l'espace vital et amoindrir le discours du peintre : le couloir de la vie n'est qu'un goulet entre la terre où germe la vie et le néant vers lequel semble léviter la vielle femme. Toutes le figures sont penchées (à l'exception de l'enfant), telle la Mélancolie de Dürer. Mais si l'inclination de la mère, baignée dans les bleus, signifie douceur et tendresse, celle de la vieille femme qui porte la main gauche à ses yeux manifeste son désespoir. La vieille femme en question a les pieds qui reposent sur un espace de néant faisant écho au noir de l'arrière plan; des bulles, exhalaison de la vie, s'échappent de l'espace vital où elle baigne; la mère a, au contraire, au dessus de la tête une mosaïque colorée, espace de ses rêves, métaphore de ses espoirs. Klimt nous propose une superbe méditation ontologique qui déplace l'espoir des régions éthérés de l'au-delà (Baldung) à la transmission de l'humanité dans le renouvellement des générations.

lundi 9 août 2010

On the beach at night (1)

Première partie d'un poème de Walt Whitman, extrait des Feuilles d'herbe. Ce recueil traduit par Laforgue exercera une influence durable sur les derniers symbolistes belges, le verset claudélien lui doit beaucoup et le lyrisme de Saint-John Perse ne lui est pas étranger.


On the beach, at night,

Stands a child, with her father,

Watching the east, the autumn sky


Up through the darkness,

While ravening clouds, the burial clouds, in black masses spreading,

Lower, sullen and fast, athwart and down the sky,

Amid a transparent clear belt of ether yet left in the east,

Ascends, large and calm, the lord-star Jupiter;

And nigh at hand, only a very little above,
Swim the delicate brothers, the Pleiades.
Leaves of grass, 1855, pour la première publication .

La nuit, sur la plage,
Se tient une enfant qui, avec son père
Regarde, l'est, le ciel d'automne.

En haut, à travers les ténèbres,
Alors que les nuages, voraces fossoyeurs, dans la profusion de leur masse noir
S'amoncellent rapides et maussades au creux d'un ciel bas,
Au coeur d'une bande d'éther demeurée limpide, à l'est,
Monte, calme et imposante, Jupiter, la noble planète;
Et tout près, à peine au dessus,
Barbotent les soeurs délicates, les Pléïades.


Traduction approximative, S. Labbe, il faut avouer que le bon Walt n'est pas toujours aussi limpide que ses éthers célestes.

Photo : John Patronie, 2011.