Nouvelle chronique pour accompagner les élèves de première dans leur préparation du bac de français : proposition de lecture cursive et d’explication linéaire. Pour commencer, une œuvre pour illustrer le parcours autour de la poésie d’Hélène Dorion signée par l’un de ses compatriotes.
Littérature et enseignement
Notes et travaux
Révision
vendredi 21 novembre 2025
Un parcours, une oeuvre, fiche n° 1 « La poésie, la nature, l’intime » : À l’ombre de l’Orford, d’Alfred DesRocher
Nouvelle chronique pour accompagner les élèves de première dans leur préparation du bac de français : proposition de lecture cursive et d’explication linéaire. Pour commencer, une œuvre pour illustrer le parcours autour de la poésie d’Hélène Dorion signée par l’un de ses compatriotes.
vendredi 7 novembre 2025
lundi 3 novembre 2025
Redécouvrir Kathleen Raine grâce à la réédition de Sur un rivage désert
De façon assez inattendue, les Collected Poems de la poétesse et écrivaine britannique tombent au programme de l’agrégation d’anglais 2026, et son recueil Sur un rivage désert est réédité ainsi que des textes publiés il y a plus de quarante ans. Sa voix appelle l’espoir et sa poésie n’a de cesse de scruter le rapport intime de l’être à la nature.
En 1978, paraissaient deux recueils de poèmes de Kathleen Raine, Isis errante (une anthologie) et Sur un rivage désert, ouvrage publié cinq ans plus tôt en Angleterre. François-Xavier Jaujard, fondateur des éditions Granit, faisait ainsi entendre pour la première fois en France les vers de cette immense poétesse, alors totalement inconnue. La même année, paraissait chez Stock le premier tome de son autobiographie, Adieu prairies heureuses, qui devait rencontrer un grand succès ; il serait d’ailleurs récompensé, en 1979, par le prix du Meilleur Livre étranger.
jeudi 9 octobre 2025
Adèle Hugo par Laura El Makki
Laura El Makki se penche sur les mystères qui enveloppent la vie de la fille de Victor Hugo, musicienne et féministe, de son exil à Jersey jusqu’à son internement au château de Suresnes. Le texte est préfacé par Isabelle Adjani qui l’a incarnée à l’écran.
Pour toute une génération, Adèle Hugo a eu le visage d’isabelle Adjani. Dans L’histoire d’Adèle H., réalisé par François Truffaut en 1975, la comédienne a su à merveille incarner les tourments, la déréliction et la folie de la fille du poète des Contemplations. C’est donc naturellement Isabelle Adjani qui écrit la préface du dernier ouvrage de Laura El Makki, Adèle Hugo, ses écrits, son histoire. L’actrice revient sur ce film monomaniaque où François Truffaut s’attachait à filmer le visage d’une jeune femme qui le fascinait : « Le visage de la fin, conclut-elle, le mien dans le film, celui de la folie et de l’internement, sera d’une pauvreté essentielle, comme une sorte d’état absolu de la chair que plus personne ne pourra, dès lors, ni atteindre, ni abandonner. » Là réside le drame d’Adèle, dans cet abandon qui n’est que le dernier d’une longue série.
Remplacer l’irremplaçable
Adèle Hugo finit-elle dans la folie ou fut-elle, comme bien des jeunes femmes de cette époque troublée, la victime d’une société qui ne pouvait reconnaître le désir féminin ? Les analogies entre la fille du poète et l’héroïne de Victoria Mass[1] sont troublantes : toutes deux communiquent avec les morts, toutes deux entretiennent un lien privilégié avec un frère sensible à leur isolement, toutes deux seront internées, mais là s’arrête la ressemblance. Adèle Hugo fut certes une victime, mais Laura El Makki pose la question autrement : « La folie dont ses contemporains et la postérité l’ont si facilement affublée n’était-elle pas plutôt une forme de mélancolie ou de dépression, nourrie par la dureté d’un exil qui a effacé tout horizon et toute interaction sociale, qui a célébré les absents quand les présents, eux ne demandaient qu’à vivre ? »
https://www.ecoledeslettres.fr/adele-hugo-ses-ecrits-son-histoire-de-laura-el-makki-biographie-illustree/
vendredi 12 septembre 2025
Un portrait de Fontenelle, le discret
Fontenelle dont les Entretiens sur la pluralité des mondes entrent au programme de première, pour les épreuves anticipées du bac de français 2026, est sans doute, malgré sa longévité exceptionnelle, l’une des figures les plus méconnues de la littérature française. Comment expliquer l’impression curieuse, qui ressort de la lecture des copieuses biographies que lui a consacrées Alain Niderst[1], d’avoir côtoyé, un esprit brillant et complexe sans être parvenu jamais à entrer dans l’intimité de l’homme ? En cent ans d’existence, pas un voyage, pas une liaison passionnée et, si l’on excepte son engagement résolu, du côté des modernes dans la fameuse querelle qui devait embraser la France littéraire, il est difficile de cerner véritablement ses engagements idéologiques, on le soupçonne souvent de libertinage, son anticléricalisme semble patent lorsqu’on lit son Histoire des oracles[2] et pourtant, il demeurera toujours proche des jésuites qui lui ont dispensé son éducation. Il y a donc bien un mystère Fontenelle dont toutes les notices biographiques soulignent la propension aux mondanités mais qui fut avant tout un travailleur solitaire acharné.
Le neveu des frères
Corneille
Fontenelle est le fils d’un avocat obscur et de Marthe Corneille, la sœur des dramaturges, Pierre et Thomas. Alain Niderst1 évoque, à son sujet, un « mariage sans éclat » ; Marthe, lorsqu’elle se marie a vingt six ans et on la considère comme une vieille fille. Guillaume Le Bovier de Fontenelle, âgé de tente-sept ans, est déjà veuf et n’a mené jusqu’alors qu’une carrière bien obscure. Il semble que Fontenelle (note auteur) n’ait jamais eu une grande considération pour son père puisque, d’après l’abbé Trublet[3], il allait jusqu’à le considérer comme « une bête » et ne retenait de son géniteur qu’une perpétuelle « humeur fâcheuse ».
Le jeune Bernard fait ses études au collège des jésuites de Rouen, enchaîne en préparant une licence de droit, sans doute poussé par son grumeleux de père mais ne plaide qu’une seule fois avant de céder à l’appel de son oncle Thomas qui le fait venir à Paris.
https://www.ecoledeslettres.fr/fiches-pdf/fontenelle-ou-la-voie-de-la-modern/
[1] Alain Niderst, Fontenelle à la recherche de lui-même, Éditions A.-G. Nizet, 1972 et Fontenelle, Plon, 1991.
[2] Fontenelle, Histoire des oracles et autres textes, 10-18, 1966.
[3] L’abbé Trublet fut un ami de
Fontenelle, académicien, il est l’auteur de Mémoires
pour servir à l'histoire de la vie et des ouvrages de M. de Fontenelle
(1759), l’ouvrage est disponible sur books. google.com .
mardi 2 septembre 2025
Pourquoi abréger?
Purquoi abréger ? Toute œuvre est-elle "abrégeable" ?
On abrège pour rendre une œuvre accessible à de jeunes
lecteurs. Je crois que personne aujourd’hui n’envisagerait raisonnablement de
faire lire Le Comte de Monte Cristo en version intégrale à des élèves de quatrième. Je cite Boris
Moissard, qui lui-même citait Florian :
« Après avoir mentionné divers «oublis, plaisanteries répétées et tableaux peu agréables » [sic] commis par Cervantes, qui n’aurait «pas toujours pris la peine de se relire » [re-sic],Florian déclare
: «N’espérant point faire passer dans ma langue les continuelles beautés qui compensent si fort ces taches légères, j’ai cru devoir les affaiblir en supprimant les répétitions et abrégeant les digressions, neuves sans doute lorsqu’elles parurent, mais devenues aujourd’hui communes; enfin, en serrant beaucoup les récits, et suppléant par la rapidité à des ornements que je ne pouvais rendre. Les personnes tolérantes peuvent s’en rapporter à mon amour pour Cervantes de l’extrême attention que j’ai mise à ne retrancher de son ouvrage que ce qui n’aurait pas semblé digne de lui dans le mien.»
On ne saurait mieux plaider la cause des amputations pratiquées au
bénéfice de l’amputé, ni vanter l’irrespect par respect. »
Boris Moissard m’a servi de guide, je vous signale le lien :
https://ecoledeslettres.fr/abreger-le-roman-lirrespect-par-respect/
Comment abrégez-vous ? À quel niveau du texte se font les coupes ? (Phrase, paragraphes, chapitres entiers, descriptions, dialogues…)
J’abrège en coupant des phrases (parfois des propositions), des paragraphes, des répliques de dialogues. Jamais de chapitre, vos questions ultérieures m’amèneront à la dire, mais j’essaie de conserver la littérarité du texte.
Il m’est arrivé aussi de couper plusieurs pages, dans L’île au
trésor par exemple, lorsque Jim remonte seul l’Hispaniola vers le nord de
l’île, pour le cacher, l’épisode est très long et une ellipse ne pose pas de
problème.
Comment
déterminez-vous ce qu’on peut couper et ce qu’il ne faut pas toucher dans un
texte ?
Je crois qu’il faut avoir repérer les principes
structurants ou ce qui fait la littérarité du texte. J’ai fait étudier Jane Eyre
en 4e, la version l’école des lettres est inéressantes parce qu’ella
a maintenu les scènes où Jane se révolte, à chaque révolte correspond une
inflexion dans l’intrigue (son destin change). Le livre de poche jeunesse ne
l’a pas fait et c’est bien dommage, le texte perd en intensité dramatique.
Comment travaillez-vous
avec l’éditeur ?
Tout dépend de l’éditeur, Hachette pour qui j’ai fait deux
classiques (Le Peuple de l’abîme et 1984)
ne m’a demandé que très peu de correction, avec Maris Hélène Sabard, pour l'école des lettres, il y a toujours un gros travail de relecture. Pour les Claudine qui vont paraître à
l’automne, j’avais beaucoup coupé dans les aparte ou les digressions que fait
Claudine narratrice, MHS en a rétablit beaucoup, et elle a bien fait car
contrairement à Jane Eyre, l’intérêt littéraire des Claudine tient beaucoup au
style.
Avez-vous remarqué
une différence dans le travail d’un éditeur à l’autre ? Les éditeurs vous
laissent-ils carte blanche ?
J’ai un peu répondu précédemment, généralement les éditeurs nous
font confiance mais peuvent se donner le droit de reprendre le travail.
Est-ce la même chose d’abréger un texte écrit en français et une traduction ?
Pratiquement, je n’ai pour ma part travaillé que sur des textes en
anglais et je fais alors en sorte d’avoir le texte anglais. Comme on travaille
généralement sur des traductions libres de droit, on peut les réviser pour se
trouver plus près du texte. Les traductions anciennes prenaient parfois beaucoup
de libertés.
Comment travaille-t-on à deux sur une
édition abrégée d’un ouvrage de littérature étrangère ? Y a-t-il un
dialogue entre le traducteur et l’abrégeur pour déterminer ce qui sera coupé
avant d’entamer le travail de traduction ?
Je n’ai vécu cette expérience qu’une fois, j’avais propose à
Hachette de prévoir l’arrivée dans le domaine publique d’Orwell. J’ai traduit
de mon côté La fermes de animaux et
une amie collègue d’anglais s’est attaqué à 1984. Je lui ai confié un
exemplaire de 1984 en anglais ou j’avais biffé les passages à ne pas traduire,
elle m’envoyait son travail au fur et à mesure et nous constations que la
lecture était fluide, ça s’est donc fait assez naturellement.
Quelle est la part de
réécriture dans les abrégés d’un éditeur à l’autre ? Y a-t-il des éditeurs qui
acceptent aujourd’hui de faire de la réécriture ?
Il n’y a généralement aucune part de réécriture. A mes yeux ce qui
fait l’intérêt des classiques abrégés, c’est justement de confronter des élèves
de collèges ou lycée à une écriture littéraire.
Le seul que j’ai entièrement réécrit, c’est le Gilgamesh mais pour lequel il n’y avait
pas de version ado. J’ai pris les deux éditions scientifiques alors disponibles (Tournay et Bottéro) plus une édition anglaise, celle de R. Thompson. J’ai bâti
un scénario à partir des trois, en respectant le contenu des tablettes connues
et me suis mis à écrire en respectant la tonalité répétitive du texte. Mais
comme dans les deux versions françaises, je constatais que l’utilisation des
temps du passé était incohérente, j’ai chois le présent de narration, ce qui a
donné un résultat plutôt poétique. Mais ce texte mis à part, je ne réécris
jamais.
Y a-t-il une part de censure dans les abrégés ? Coupez-vous ce qui peut choquer un jeune dans une version abrégée ?
Non pas de censure, ce que je parfois je regrette, plusieurs collègues m’ont dit avoir renoncé à Gilgamesh en 6e à
cause de la scène de sexe de la première partie où Enkidu reçoit son humanité d’une prostituée. Mais non, un texte patrimonial est un texte patrimonial et je suis certain que le petit côté pervers de Claudine va choquer beaucoup d’élèves – surtout devant leur professeur.
Y a-t-il eu un
changement dans la réception des classiques abrégés ? Pourquoi à votre avis ?
Pas vraiment.
Il y a toujours des puristes qui refusent par principe l’abrégé.
Leur utilisation est néanmoins largement admise en collège. Par contre elle est
systématiquement proscrite en lycée. Ce qui ce conçoit, les modes d’approche du
texte étant très différents. J’autorise néanmoins les abrégés au lycée quand il
s’agit de lectures cursives, peu de lycéens sont à même de lire de façon
autonome Notre Dame de Paris, par
exemple. J’ai aussi recommandé aux élèves qui ne parvenaient pas à lire La peau de chagrin de recourir au livre
de poche jeunesse pour se faire une idée d’ensemble de l’intrigue. Mais pour
les passages à présenter au bac nous avons évidemment recours à des textes non
coupés.
Quelle est la réception des classiques abrégés en classe ?
Comment travaillez-vous en classe sur un classique abrégé ? Jusqu'à quel point
les élèves sont-ils autonomes ? Comment l’enseignant choisit-il l’édition à
adopter en classe ?
Tout dépend, généralement, si l’abrégé est respectueux, je le
traite comme un texte non abrégé. Mais je peux aussi le compléter par des
photocopies. Dans la première séquence que j’ai réalisée pour la revue l’école des lettres, je trouvais qu’il
était intéressant de montrer la dimension symbolique du décor dans Jane Eyre (celle
de la « chambre rouge » dans laquelle l'héroïne est enfermée au début du
roman). Comme elle avait été coupée, je l’ai donnée à lire, ce qui a été
l’occasion de montrer justement en quoi consistait le travail de l’abrègement
mais aussi en quoi il pouvait appauvrir le texte. L’abrégé lu en collège peut
être une invitation à relire l’intégral plus tard. J’ai eu le plaisir de
constater que des élèves qui avaient lu Jane
Eyre en abrégé en 4e le reprenaient en version intégrale au
lycée.
Pourquoi choisir de
travailler sur un classique abrégé plutôt qu’une édition plus scolaire ?
Un abrégé est un livre, une édition scolaire est un manuel.
Utiliser l’abrégé c’est tenter de faire passer le plaisir de la lecture avant
l’étude. J’aurais tendance à préférer les abrégés pour le roman. Au bonheur des dames en abrégé est plus
agréable à lire qu’une édition scolaire qui comporte des coupures, des
questions, etc. et qui rappelle à l’élève qu’il est davantage élève que
lecteur. Maintenant, au lycée, les éditions scolaires sont parfois nécessaires.
Les élèves de premières qui vont devoir aborder les Entretiens sur la pluralité
des mondes de Fontenelle auront besoin des notes et de l’appareil pédagogique
pour entrer dans le texte.
https://classiques.ecoledesloisirs.fr/passeur/Stephane-Labbe
jeudi 3 juillet 2025
La littérature a-t-elle pour vocation d’éduquer à la sensibilité ? Sujet d'HLP 2025
Pour Condorcet, l’éducation première devrait consister à éveiller la compassion envers les animaux ou les humains. Le développement de la sensibilité entraînerait la sollicitude et garantirait de l’égoïsme et de l’indifférence envers autrui ? Mais comment éduquer à la sensibilité ? Si les éducations intellectuelle et morale semblent aller de soi, l’éducation à la sensibilité est plus problématique. Faut-il, dès lors, envisager les disciplines artistiques et la littérature en particulier comme des vecteurs privilégiés de cette éducation ? La littérature aurait-elle vocation à éduquer la sensibilité ? Sans doute faut-il se poser la question de savoir si la littérature a « vocation » à éduquer, avant de questionner son rapport à la sensibilité et de voir enfin en quoi la littérature interroge particulièrement la sensibilité ?
I. La littérature doit-elle être utilitaire ?
La littérature a-t-elle « vocation à » quelque chose ? Cette question traverse toute son histoire. Si les Romantiques au XIXe reconnaissent à la littérature une fonction politique et sociale – on sait les engagements de Victor Hugo contre le travail des enfants, la peine de mort, la tyrannie –, les Parnassiens dans la deuxième moitié du XIXe leur opposent une doctrine de l’art pour l’art. Celle-ci a été inspirée en partie par Théophile Gautier qui écrivait, dans sa préface à Mademoiselle de Maupin : « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien…. »










