Révision

La plupart des articles (traductions exceptées) ont été révisés au cours de l'automne 2014, d'où certains anachronismes au regard de la date de publication.

samedi 7 septembre 2024

Autant en emporte le vent ou le souffle destructeur de l’histoire (sujet type bac HLP)


Alors qu’elle demeurait prostrée, trop faible pour réagir les souvenirs et les craintes l’assaillirent comme des vautours attirés par la mort. Elle n'avait plus la force de dire ; « Je penserai à Maman et à Papa et à Ashley et à tout ce désastre plus tard … Oui, plus tard quand je pourrai le supporter. » Mais qu’elle l’eût on non voulu, c’était maintenant, alors qu’elle ne pouvait pas le supporter, qu’elle pensait à eux. Les pensées tournoyaient et fondaient sur elle, plongeant et enfonçant leurs griffes acérées et leurs becs tranchants dans son esprit. Pendant un temps infini, elle resta inerte, sous les rayons d’un soleil implacable, le visage dans la poussière, se souvenant de choses et de personnes qui étaient mortes, se remémorant un mode de vie à jamais disparu et contemplant les perspective d’un avenir bien sombre.

Lorsqu’elle se releva enfin et vit de nouveau les ruines noircies des Douze Chênes, elle avait la tête haute mais son visage avait définitivement perdu une part de sa jeunesse, de sa beauté et de son aptitude à faire preuve de tendresse. Le passé était le passé. Les morts étaient bien morts. Le luxe paresseux des jours anciens avait disparu et ne reviendrait plus. Et tandis qu’elle ajustait le lourd panier à son bras, Scarlett était résolue, elle savait quelles règles régiraient dorénavant sa vie et son esprit.

Il n'y avait pas de retour en arrière possible, désormais elle irait de l’avant. Dans tout le Sud et durant les cinquante années à venir, il y aurait des femmes qui jetteraient un œil amer sur des temps révolus, sur des hommes disparus, qui évoqueraient des souvenirs douloureux et futiles, tout en supportant la pauvreté avec une fierté acrimonieuse pour la simple raison qu’elles possédaient ces souvenirs. Mais Scarlett ne regarderait jamais en arrière. Elle fixa les pierres noircies et, pour la dernière fois, elle vit les Douze Chênes se dresser devant ses yeux tels qu'ils avaient été, riches et fiers, symbole d'une race et d'un mode de vie. Puis elle se mit en route vers Tara, le lourd panier lui tailladant la chair.

La faim rongeait de nouveau son estomac vide et elle dit à haute voix : « Dieu m’en est témoin, Dieu m’en est témoin, je ne me laisserai pas abattre par les Yankees. Je vais survivre à cela, et quand ce sera fini, je ne connaîtrai plus jamais la faim. Non, ni aucun de mes proches. Et même si je dois voler ou tuer – que Dieu en soit témoin ­, je ne connaîtrai plus jamais la faim. »

Margaret Mitchell, Gone with the wind (Autant en emporte le vent), trad. S. Labbe, 1936.

Question d’interprétation (littérature)

Comment l’héroïne réagit-elle aux événements historiques dont elle est témoins ?

Question de réflexion (philosophie)

Le temps est-il essentiellement destructeur ?

 

https://nrp-lycee.nathan.fr/sequences/autant-en-emporte-le-vent-ou-le-souffle-destructeur-de-lhistoire/

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