Nul doute que ce premier « épanchement du songe dans la vie réelle », pour paraphraser Nerval, ne soit l’un des moteurs de la création Hoffmannienne : il contribue aussi grandement à instaurer cette hésitation si nécessaire à l’avènement du fantastique selon Todorov (9). Car, si les thèmes d’Hoffmann sont les futurs canons de la littérature fantastique : le diable (« Les Aventures des Nuits de la Saint-Sylvestre »), la créature maléfique (« L’Homme au sable »), le spectre (« La Vision »), l’intersigne (« Les Mines de Falun »), leur traitement - en particulier le goût d’Hoffmann pour l’esthétique décalée du grotesque - rend nécessaire le recours au rêve pour expliquer l’excentricité des situations qu’il met en place.
Le fantastique d’Hoffmann ne s’ancre que secondairement dans la réalité, son excès même le condamne à ne laisser dans la conscience du lecteur que la trace fuligineuse des rêves dont il est issu. Mais c’est aussi ce qui fait son singularité et sa modernité. Philippe van Thieghem soulignait déjà en 1961 (10) la prodigieuse originalité d’Hoffmann : « Les récits d’Hoffmann, écrit-il, apportèrent au romantisme, une source de mystère et de fantastique qui relayait la tradition romantique du roman noir anglais dans un esprit plus moderne. » et de noter ensuite l’influence qu’il eut sur des auteurs tels que Balzac, Nerval, Gautier ou Baudelaire. C’est évidemment la seconde génération romantique qui fut sensible aux bizarreries du génie hoffmannien celle qui, rompant encore de manière plus franche avec la rationalité du siècle des lumières et avec la nécessité de l’illusion référentielle, devait fasciner l’avant-garde des symbolistes, et continuer d’exercer une fascination durable sur les surréalistes ou des sur des romanciers comme Jouve, Mandiargues ou Julien Gracq. L’introduction de l’œuvre d’Hofmann en France correspond indubitablement à un tournant de notre histoire littéraire et son influence fut aussi durable que déterminante.
9 Todorov, Introduction à la littérature fantastique, « Points », Seuil, 1976.
10 Philippe van Thiegem, Les influences étrangères sur la littérature française, 1550-1880, P.U.F., 1961.
Ill. Notre édition des Contes d'Hofmmann pour l'"Ecole des Loisirs.
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