Après Florian et les Brontê me voici sur les traces d'Oscar Wilde! L'Ecole des loisirs s'apprête à mettre sur le marché une nouvelle traduction du Portrait de Dorian Gray, livre culte s'il en est! Boris Moissard est l'auteur de cette traduction qui devrait permettre aux adolescents d'entrer dans l'univers complexe et raffiné de l'ami Dorian. Sans affadir l'oeuvre, il parvient à restituer la complexité de l'intrigue et la virtuosité stylistique de l'auteur tout en allégeant le roman des nombreuses considérations sur l'art qui viennent souligner la dimension allégorique de l'histoire.
Au-delà de l'anecdote fantastique, - mais est-ce vraiment du fantastique ? on rappellera qu'à juste titre, Tororov voit en l'allégorie une limite à la crédibilité du surnaturel - le roman pose de nombreux problèmes qui certainement intéresseront la jeunesse. En premier lieu, le problème du mal que Wilde expose dans une perspective quasi existentialiste - "je me construis par mes actes". Il me semble que cette question du mal revient en force hanter la littérature de jeunesse : il y a eu Harry Potter que ses rapports intimes avec cette figure personnifiée du mal qu'est Voldemort ont inquiété tout au long des sept tomes de la sage; il y a la jeune Bella de Stephenie Meyer qui, par le biais du vampirisme explore sa propre part d'ombre. Le Dorian Gray de Wilde se présente aussi à l'évidence comme l'un de ces expérimentateurs de l'ombre mais à l'inverse d'Harry Potter qui sort victorieux de l'expérience Dorian Gray succombe à l'attrait maléfique du portrait - du narcissisme donc.
La question de la création artistique est aussi au coeur du roman : Wilde y a transposé ses propres interrogations sur le rapport entre élan créateur et sexualité. S'il anticipe ainsi la réflexion freudienne, il me semble aussi pressentir les recherches de Jung : la mort de Sybil Vane (figure de l'anima) est aussi le début d'une descente aux enfers qui n'autorisera aucune rédemption. Coupé de son âme Dorian Gray n'est plus qu'un automate social livré aux aléas d'une vie sans véritable saveur.
On trouvera par ailleurs dans le roman de Gyles Brandreth, Oscar Wilde et le jeu de la mort, publié en 10/18 un saisissant portrait de notre auteur. Outre une intrigue parfaitement menée, Brandreth recrée avec jubilation la figure d'Oscar Wilde avec lequel on sent qu'il entretient un rapport passionné. Mettre en scène un personnage aussi truculent était un véritable défi, Brandreth s'en tire avec les honneurs. Son héros pétille d'intelligence, distille les aphorismes avec un sens de la répartie jamais mis en défaut, c'est un Wilde humain, parfois sentencieux mais toujours drôle dans l'ironie que ressuscite notre auteur. On appréciera de croiser le rude Conan Doyle qui fut l'ami sincère de Wilde et je ne sais si l'on doit accorder crédit à l'anecdote qui ferait de l'auteur du portrait de Dorian Gray l'inspirateur de Mycroft Holme. J'avais choisi ce roman afin de trouver la motivation pour lire l'une des nombreuses biographies de Wilde, prélude nécessaire à un travail sur le roman. C'est gagné, j'ai effectivement envie d'en savoir plus sur Wilde mais je me laisserais volontiers aller à lire le second opus des aventures imaginées par Brandreth.
Un article intéressant du Magazine littéraire sur Brandreth :
http://www.magazine-litteraire.com/content/recherche/article?id=12870
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