Fra Angelico a plusieurs fois peint des scènes d'annonciation; mais celle-ci est particulière . L'Ange ne vient pas annoncer la vie mais la mort. Dans les versions classique le jardin sur la gauche est le jardin d'Eden. Le frère (Fra) signifie par là le lien de causalité entre ancien et nouveau testaments qui hante toute la théologie chrétienne du Moyen-Âge et de la Renaissance. La naissance du Christ est réparation. La conception sans tâche du Christ efface la dégustation du fruit maudit par Eve et Adam.
Rien de tel dans ce tableau, le jardin - s'il s'agit d'un jardin - est déporté au delà de la palissade et on ne saurait dire s'il s'agit du jardin d'Eden. La perspective s'est inversée et nous fait voir l'Annonciation de l'intérieur. Ce tableau semble signaler le basculement qu'évoque Erwin Panofsky(1) : nous sommes passés du point de vue théocentriste (point de vue de Dieu) au point de vue humain.
Nous ne voyons plus l'histoire de l'humanité mais une histoire, celle de Marie engagée dans un entretien où chacun des protagonistes semble faire preuve d'un immense respect pour l'autre. L'ange s'est humanisé, il est vêtu de rose (le rouge de l'incarnation et le blanc de la pureté céleste).
L'intérieur de la Maison constitue le cadre essentiel, vide, serein - c'est une image de l'âme - à la fois ouvert et fermé. La pièce du fond qui autorise le retrait possède aussi une ouverture sur le monde. Il y a dans tout cela une profonde unité. L'acceptation d'un destin à la fois glorieux et tragique naît de cette unité intérieure et la jeune femme arbore une expression à la fois douloureuse et sereine, étrange paradoxe que le peintre rend on ne sait comment. Marie, une nouvelle fois, accepte son destin, un au-delà figuré par l'autre côté de la palissade mais aussi par l'ouverture au fond de la perspective.
(1) La perspective comme forme symbolique et autres essais, Minuit, 1976.
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