Révision

La plupart des articles (traductions exceptées) ont été révisés au cours de l'automne 2014, d'où certains anachronismes au regard de la date de publication.

lundi 31 mai 2010

Elizabeth Browning, sonnet 28.

C'est une lettre reçue en janvier 1845 qui fit basculer le destin d'Elizabeth Barret. la mort tragique de son frère préféré, l'autorité écrasante d'un père exclusif la clouent dans sa chambre, elle est de surcroît affligée de troubles hystériques (une forme de paralysie) et se sent condamnée naturellement à cette vie de recluse "Nous nous habituons à la pensée du tombeau, écrit-elle. Et j'étais enterrée." La lettre provient de Robert Browning, fervent admirateur d'Elizabeth qui s'est acquis une certaine renommée aussi bien en Angleterre qu'aux Etats-Unis avec ses deux volumes de Poems. "J'aime vos vers de tout mon coeur, chère miss Barrett " Deux ans plus tard Robert enlèvera Elzabeth pour en faire son épouse et l'emmener en Italie. Les Sonnets Portugais publiés en 1850 sont l'écho de cette romanesque et romantique histoire d'amour.

My letters! all dead paper, mute and white!
And yet they seem alive and quivering

Against my tremulous hands which loose the string
And let them drop down on my knee tonight.

This said—he wished to have me in his sight
Once, as a friend: this fixed a day in spring
To come and touch my hand. . . a simple thing,
Yes I wept for it—this . . . the paper's light. . .

Said, Dear, I love thee; and I sank and quailed
As if God's future thundered on my past.
This said, I am thine—and so its ink has paled

With lying at my heart that beat too fast.
And this . . . 0 Love, thy words have ill availed
If, what this said, I dared repeat at last!


Elizabeth Browning, Poetical works, Chapman & Hall, 1856.

Mes lettres, toutes de papier mort, blanches et silencieuses,
Et pourtant, elles semblent vivantes et frémissantes
Dans mes mains tremblantes qui, les défaisant de leurs liens,
Les laissent tomber sur mes genoux ce soir.

Celle ci disait que me voir était son plus cher désir
Une fois, en ami.: celle-là fixait le jour de printemps où
Il viendrait toucher ma main, chose simple
Et pourtant j'en pleurais - Celle ci, feuille légère,

Disait "Chère, je vous aime", et je défaillis, tremblante,
Comme si Dieu, l'avenir eussent foudroyé mon passé
Celle-là "Je suis à vous" - aussi son encre a-t-elle pâli

Se diluant sur mon coeur qui battait trop vite,
Et celle-là : Amour, que les mots ne soient que non sens
Si ce qu'elle dit, j'osais moindrement l'évoquer!

Trad. S. Labbe.

samedi 29 mai 2010

Le Portrait de Dorian Gray, d'Oscar Wilde

Oscar Wilde, accomplit au fil d'une oeuvre variés, ce prodige de métamorphoser la légèreté en profondeur. Le dandy étincelant, à forces de paradoxes et de bons mots nous interroge sur l'essentiel, là réside sa force. La séquence qui suit a été publié dans la revue l'école des lettres n° 4-5 de mai 2010.
"Le Portrait de Dorian Gray, d'Oscar Wilde", 55 p., L'Ecole des lettres n° 4-5, 2009-2010. Séquence destinée aux classes de 4e et prenant appui sur la version abrégée de Boris Moissard  (L'école des loisirs 2009).

Vérification de lecture préalable. Questionnaire à choix multiples.
1. Situation du roman : 1. Biographie d'Oscar Wilde, 2. Le surnaturel dans la littérature anglaise de la fin du XIXe siècle. Recherche au CDI guidée par une série d’indices. Définition des différents genres qui font usage du surnaturel. Rédaction d’une synthèse à partir de sources documentaires multiples.
2. Lecture analytique d’un extrait du chapitre II, p. 27-29. Comprendre comment, par le biais de procédés stylistiques et l’utilisation d’un topos littéraire, l’auteur met en place la tonalité fantastique de l’œuvre.
3. Étude de la langue : la fonction sujet. La leçon sur le sujet permettra de synthétiser les connaissances sensément acquises, d’initier les élèves à la notion de sujet grammatical (les nouveaux programmes de 4e mettent l’accent sur la reconnaissance des tournures impersonnelles) et de fournir un outil précieux pour la reconnaissance des « focalisations ».
4. Comparaison de la narration dans divers extraits du roman. Comprendre la distinction entre les trois modes de « focalisations », la « focalisation » ou point de vue se définissant comme le rapport qu’entretient le narrateur avec les personnages qu’il évoque. Interpréter l’utilisation et l’efficacité d’un point de vue particulier.
5. Schéma narratif de la première partie du roman   Analyser l’intrigue par l’élaboration d’un schéma narratif et mener une réflexion sur les fondements du découpage obtenu.
6. Étude du chapitre XI: Analyser la temporalité au sein de ce chapitre et comprendre en quoi il manifeste la sensibilité décadente de l’œuvre.
7. Le Portrait de Dorian Gray, un roman fantastique ? Démontrer que le roman répond à la définition du fantastique élaborée en début de séquence. Réfléchir à la construction de l’ensemble et comprendre en quoi elle renforce la thématique surnaturelle. S’interroger sur les significations du portrait animé.
8. Lecture analytique d’un extrait du chapitre   XVI: Analyser la portée symbolique du parcours du héros et analyser l’efficacité de la focalisation interne pour faire partager au lecteur les tourments de ce dernier.

9. Evaluation sujet type DNB : Analyse d’un épisode clé qui permet de réinvestir les principales notions littéraires abordées au cours de la séquence. La dictée proposée peut être soumise comme dictée de contrôle ou être préparée.

samedi 8 mai 2010

Lamentations de Gilgamesh


La première épopée de l'histoire humaine est aussi une formidable trace d'humanité. L'orgueilleux Gilgamesh du début y apprendra la vie et la mort, il apprendra aussi à transcender cette terrible défaite qu'est l'illusion de l'éternité pour accéder à la sagesse du renoncement ce qui, paradoxalement, fera de lui un être digne des dieux. Ce qui me fascine, travaillant désormais à la réécriture de cette histoire, c'est son étonnante actualité, son universalité. Notre condition d'être humain, la filiation, l'amitié, le divertissement pascalien, l'ubris, l'amour, le rapport aux dieux, le désespoir, tout y est avec en plus une poésie qui n'appartient qu'à ces temps lointains ou l'acte même d'écrire était un art. Ci-dessous : les lamentations de Gilgamesh, à la mort de son ami, Enkidu.

Quand parurent les premières lueurs de l'aube,
Gilgamesh, ouvrant la bouche, dit à son ami « Enkidu, mon ami, ta mère', une gazelle, et l'âne sauvage, ton père, t'ont engendré, toi c'est le lait des onagres qui t'a élevé, toi, et la harde te faisait découvrir tous les pâturages.
Qu'ils te pleurent, les chemins d'Enkidu jusqu'à la forêt des Cèdres, qu'ils ne se taisent ni de jour, ni de nuit
Qu'ils te pleurent, les anciens de la vaste' cité d'Urukk l'Enclos,
eux dont le doigt bénissait derrière nous'
Qu'elles te pleurent, les eaux pures des régions montagneuse que tant de fois nous avons gravies .
Que les campagnes poussent des cris comme le ferait ta mère,
qu'elles te pleurent, les forêts de cyprès, de cèdres,
dont nous nous sommes approchés de si près dans notre colère !
Qu'ils te pleurent ours, hyène, léopard, tigre, cerf, guépard, lion, buffle, daim, bouquetin, la harde de la steppe !
Qu'il te pleure, Oulaî, le fleuve sacré, dont nous arpentions avec entrain la rive !
Qu'il te pleure, l'Euphrate pur où nous versions en libation l'eau des outres
Qu'elle te pleure, la jeunesse de la vaste cité d'Uruk-l'Enclos qui a vu nos combats quand nous avons tué le Taureau céleste !
Qu'il te pleure, l’Euphrate pur où nous versions en libation l’eau des outres... "

L'Epopée de Gilgamesh, trad. de Jacques Tournay et Aaron Shaafer, Editions du Cerf, 2007.
Illustration : Tête de bronze supposée de Sargal, Iraq Museum, Bagdad.

mercredi 5 mai 2010

Dying! Dying in the night!

La nuit, la blancheur des neiges éternelles et le même sentiment de perdition. Quant au Christ, il semble avoir ignoré jusqu'à l'existence même de la Maison, image du moi. C'est donc à Dolly que revient le rôle de figure christique et de guide dans la mort.



Dying! Dying in the night!
Won't somebody bring the light
So I can see which way to go
Into the everlasting snow?

And "Jesus"! Where is Jesus gone?
They said that Jesus - always came -
Perhaps he doesn't know the House -
This way, Jesus, Let him pass!

Somebody run to the great gate
And see if Dollie's coming! Wait!
I hear her feet upon the stair!
Death won't hurt - now Dollie's here!

Cahier 9

Mourir! Mourir dans la nuit!
N'y aura-t-il personne pour apporter
La lumière que je sache quel chemin
Prendre en ces neiges éternelles?

Et Jésus! Où s'en est-il allé?
Ils disaient que Jésus - venait toujours -
Peut-être ne connaissait-il pas la Maison -
Par ici, Jésus, qu'on le laisse passer!

Que quelqu'un coure jusqu'au portail
Et voie si Dolly arrive! Attends
J'entends ses pas dans l'escalier!
La mort sera paisible - Dolly est là!


Poème reproduit dans Y aura-t-il pour de vrai un matin, José Corti, 2008.


Trad. S. Labbe.

La page Emily Dickinson sur le site de chez Corti :
http://www.jose-corti.fr/auteursromantiques/dickinson.html