Révision

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samedi 8 mai 2010

Lamentations de Gilgamesh


La première épopée de l'histoire humaine est aussi une formidable trace d'humanité. L'orgueilleux Gilgamesh du début y apprendra la vie et la mort, il apprendra aussi à transcender cette terrible défaite qu'est l'illusion de l'éternité pour accéder à la sagesse du renoncement ce qui, paradoxalement, fera de lui un être digne des dieux. Ce qui me fascine, travaillant désormais à la réécriture de cette histoire, c'est son étonnante actualité, son universalité. Notre condition d'être humain, la filiation, l'amitié, le divertissement pascalien, l'ubris, l'amour, le rapport aux dieux, le désespoir, tout y est avec en plus une poésie qui n'appartient qu'à ces temps lointains ou l'acte même d'écrire était un art. Ci-dessous : les lamentations de Gilgamesh, à la mort de son ami, Enkidu.

Quand parurent les premières lueurs de l'aube,
Gilgamesh, ouvrant la bouche, dit à son ami « Enkidu, mon ami, ta mère', une gazelle, et l'âne sauvage, ton père, t'ont engendré, toi c'est le lait des onagres qui t'a élevé, toi, et la harde te faisait découvrir tous les pâturages.
Qu'ils te pleurent, les chemins d'Enkidu jusqu'à la forêt des Cèdres, qu'ils ne se taisent ni de jour, ni de nuit
Qu'ils te pleurent, les anciens de la vaste' cité d'Urukk l'Enclos,
eux dont le doigt bénissait derrière nous'
Qu'elles te pleurent, les eaux pures des régions montagneuse que tant de fois nous avons gravies .
Que les campagnes poussent des cris comme le ferait ta mère,
qu'elles te pleurent, les forêts de cyprès, de cèdres,
dont nous nous sommes approchés de si près dans notre colère !
Qu'ils te pleurent ours, hyène, léopard, tigre, cerf, guépard, lion, buffle, daim, bouquetin, la harde de la steppe !
Qu'il te pleure, Oulaî, le fleuve sacré, dont nous arpentions avec entrain la rive !
Qu'il te pleure, l'Euphrate pur où nous versions en libation l'eau des outres
Qu'elle te pleure, la jeunesse de la vaste cité d'Uruk-l'Enclos qui a vu nos combats quand nous avons tué le Taureau céleste !
Qu'il te pleure, l’Euphrate pur où nous versions en libation l’eau des outres... "

L'Epopée de Gilgamesh, trad. de Jacques Tournay et Aaron Shaafer, Editions du Cerf, 2007.
Illustration : Tête de bronze supposée de Sargal, Iraq Museum, Bagdad.

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