Révision

La plupart des articles (traductions exceptées) ont été révisés au cours de l'automne 2014, d'où certains anachronismes au regard de la date de publication.

dimanche 29 décembre 2019

Vanitas vanitatum, omnia vanitas d'Anne Brontë

Anne crayonnée par Charlotte
L'année qui vient permettra de célébrer le bicentenaire de la naissance d'Anne Brontë. Anne (1820-1849) est la moins connue des soeurs Brontë, sans doute ses romans n'ont-ils pas l'aura romantique et scandaleuse de Jane Eyre ou Wuthering heigths. La Locataire de Wildfell hall et sa revendication féministe méritent le détour et ses poèmes valent aisément ceux de Charlotte. Sur le portrait peint par Branwell, on ne peut qu'être frappé par la ressemblance qu'il y a entre Anne et Emily, longtemps la vie les a d'ailleurs rapprochées, elles ont élaboré ensemble, le cycle de Gondal, aujourd'hui perdu quand Charlotte travaillait avec Branwell à celui d'Angria.



In all we do, and hear, and see,
Is restless Toil and Vanity.
While yet the rolling earth abides,
Men come and go like ocean tides;

And ere one generation dies,
Another in its place shall rise;
THAT, sinking soon into the grave,
Others succeed, like wave on wave;

And as they rise, they pass away.
The sun arises every day,
And hastening onward to the West,
He nightly sinks, but not to rest:

Returning to the eastern skies,
Again to light us, he must rise.
And still the restless wind comes forth,
Now blowing keenly from the North;

Now from the South, the East, the West,
For ever changing, ne'er at rest.
The fountains, gushing from the hills,
Supply the ever-running rills;

The thirsty rivers drink their store,
And bear it rolling to the shore,
But still the ocean craves for more.
'Tis endless labour everywhere!
Sound cannot satisfy the ear,

Light cannot fill the craving eye,
Nor riches half our wants supply,
Pleasure but doubles future pain,
And joy brings sorrow in her train;

Laughter is mad, and reckless mirth--
What does she in this weary earth?
Should Wealth, or Fame, our Life employ,
Death comes, our labour to destroy;

To snatch the untasted cup away,
For which we toiled so many a day.
What, then, remains for wretched man?
To use life's comforts while he can,

Enjoy the blessings Heaven bestows,
Assist his friends, forgive his foes;
Trust God, and keep His statutes still,
Upright and firm, through good and ill;

Thankful for all that God has given,
Fixing his firmest hopes on Heaven;
Knowing that earthly joys decay,
But hoping through the darkest day.


Ann Brontë, Complete Poems of Anne Brontë, Reprint Service Corp, 1924.

En tout ce que l’on fait, entend ou voit,
Ne résident que peine sans trêve et vanité ;
Alors que la Terre en mouvement demeure,
Les hommes vont et viennent comme les marées ;

Avant que ne meure une génération,
Une autre la remplace, qui s’élève.
Et la précipite bientôt dans la tombe,
D'autres lui succèdent, comme la vague écrase la vague ;

A peine se sont-elles dressées qu’elles retombent à jamais.
Chaque jour voit le soleil se lever,
Se hâter dans sa course vers l'Ouest,
Il sombre dans la nuit, non pour se reposer,

Mais pour arpenter les chemins des ciels d’Orient,
Il lui faut alors encore se lever pour nous éclairer.
Viennent alors les vents tourmentés et ardents
Qui, à présent soufflent, du nord,

Mais tantôt du sud, de l’est ou de l’ouest ;
Pour toujours irrésolus, à jamais agités.
Les sources, jaillissant des collines,
Assurent la course éternelle des ruisseaux.

Les rivières assoiffées y prennent leur aliment
Et le portent en roulant jusqu’au rivage,
Mais l'océan ne cesse d’en vouloir davantage
Partout, ce n’est que labeur sans fin.
Er le son ne peut satisfaire l’oreille.

Nulle lumière ne contente l’œil assoiffé
Et il n’est pas de fortune pour contenter nos besoins.
Le plaisir ne fait qu’accroître la peine à venir,
Et la joie, dans sa course, apporte le chagrin.

Le rire est folie, la joie, une imprudence,
Que fait-elle sur cette terre désolée ?
La richesse et la gloire occuperaient-elles notre vie,
La mort vient détruire notre labeur,

Pour nous soustraire la coupe intacte
A laquelle nous avons tant travaillé
Que reste-t-il, dès lors, à l’homme infortuné ?
Qu’il profite, tant qu’il le peut, des plaisirs de la vie.

Qu’il profite des bienfaits que le ciel lui accorde,
Qu’il assiste ses amis, et pardonne à ses ennemis.
Qu’il croie en Dieu, et ne change rien à ses lois,
Droit et ferme dans le bien comme dans le mal ;

Empli de gratitude pour tout ce que Dieu lui donna,
Plaçant au ciel ses plus fermes espoirs,
Sachant que les joies d’ici-bas fanent vite,
Espérant, à travers les jours les plus sombres.

trad. S. Labbe.

Illustration : Ill. de couverture pour La maison sur la colline de D. Auriange, Marabout, 1966.

vendredi 20 décembre 2019

Christmas tree

Carte postale, 1907.
For whom have I 
As yeat another year is ending 
Decked this Christmas-tree 
In blown-glass coloured balls and birds and shining spheres 
And glitter on the ever-green 
And living boughs ? 
Who from the young 
Who will come briefly to visit me 
Will find magic in these tinsel stars, hear what they sing 
Of memories not theirs, who must live on Into years farther yet from Bethlehem? 
Not, not for the living, It is my ghosts who will keep Chritmas Past with me, 
And it should be that an old woman In all my remenbered and unremenbered presents be 
With those who loved me, yet with whom, indifferent then, 
Only now I am. 

Kathleen Raine, The Presence, 1987.

Pour qui ai-je,
Alors qu’une autre année s’achève encore
Décoré ce sapin de Noël
De boules de verre colorées, d’oiseaux et des sphères scintillantes
De paillettes sur les branches toujours vertes
Et vivantes?
Qui, parmi les jeunes gens
Qui brièvement me rendront visite,
Trouvera de la magie dans ces étoiles étincelantes, qui entendra ce qu'elles murmurent
De souvenirs qui ne sont plus à eux, et qui doivent rester en vie
En ces années qui toujours plus s’éloignent de Bethléem ?
Non, pas pour les vivants,
Ce sont mes fantômes qui garderont avec moi les Noël Passées
Comme il se doit pour une vieille femme,
A travers tous ces présents que ma mémoire a conservés ou effacés, d’être
Avec ceux qui m’ont aimée, autrefois indifférente, c’est seulement maintenant
Que je suis avec eux.