Révision

La plupart des articles (traductions exceptées) ont été révisés au cours de l'automne 2014, d'où certains anachronismes au regard de la date de publication.

vendredi 17 mai 2024

Le Secret des sables, de Levi Pinfold : un album poétique et initiatique


 Originaire de Cornouailles, diplôme de l’université de Falmouth, Levi Pinfold s’est très vite attiré la reconnaissance des milieux éditoriaux en remportant le « Book Trust Early Years Award » (catégorie jeune illustrateur) en 2006. Il a depuis illustré de nombreux albums et créé pour Bloomsburry les couvertures de la collection Harry Potter (éditions des quatre maisons). Le seul de ses albums personnels publié en France à ce jour était La Légende du Chien noir[1] . L’École des loisirs a récemment mis sur le marché, dans la collection « kaléidoscope », Le secret des sables, un album somptueux, énigmatique et inspiré dont l’intrigue et les illustrations s’adressent aux lecteurs de tous âges.

Une intrigue aux allures de contes

L’intrigue est un peu celle des Sept corbeaux des frères Grimm. Une petite fille, la plus jeune de la fratrie, va sauver ses frères d’une étrange malédiction. Cependant, l’histoire que Levy Pinfold choisit de mettre en scène est beaucoup plus énigmatique que celle des frères Grimm, d’une part parce qu’il confie la narration à son héroïne qui semble habitée d’une prescience et d’une sagesse qui font totalement défaut à ses frères et, d’autre part, parce que les frères Grimm expliquaient longuement dans la situation initiale pourquoi les sept frères se retrouvaient métamorphosés en corbeaux à la suite d’une malédiction paternelle. Ici rien de tel, les trois frères de la narratrices se transforment en dauphin (pp. 16-17) dans la piscine d’un hôtel étrange qui a surgi en plein désert.

Tout commence par une comptine (p. 1) : « Roses blanche, nous vous suivons vers l’Oracle du Vallon / Désert de la mort puis la fontaine d’une demeure souterraine… » Cette comptine dont le lecteur apprendra qu’elle a bercé l’enfance des frères et sœurs (p. 7) est traitée de « chanson stupide » par la petite fille. Cependant, placée en épigraphe de la narration, la comptine en question est un peu la voix du destin assigné aux enfants de cette fratrie.

Les trois frères et la sœur montent dans une Cadillac blanche, la fillette propose de s’arrêter pour « cueillir quelques fleurs pour maman » (p. 7). Alors qu’ils cueillent des roses blanches sauvages, les trois frère ont soif et se dirigent vers un mystérieux hôtel qui ressemble à une forteresse antique (p. 10-11). D’imposantes murailles, des tours élevées, parmi lesquelles une tour pyramidale, constituent une forteresse qui recèle une cour intérieurs d’où émergent les cimes de palmiers élevés et de cyprès effilés.

La double page 12-13 montre les frères qui entrent dans la forteresse, on ne voit que le dernier d’entre eux que l’ombre semble aspirer, la narratrice, sur le seuil de l’hôtel, ses roses à la main hésite à entrer. Le plan (semi ensemble) ne cadre qu’une partie de la façade de l’hôtel et pourtant la petite fille qui lui fait face semble déjà écrasée par cet univers minéral.

À l’intérieur, une table chargée de nourriture attend les frères qui, après s’être restaurés, ne peuvent résister à l’appel de la fraîcheur et plongent dans une piscine où ils se transforment en dauphins. « J’ai appelé à l’aide, mais en vain. Seul l’écho me répondait » constate la narratrice (p. 18-19). Dans la cour intérieure de l’hôtel rendues par des tonalités sépia l’héroïne qui marche d’un pas décidé dans sa petite robe bleue semblerait être le seul être vivant s’il n’y avait trois oiseaux qui s’abreuvent dans un bassin.

La petite fille rencontre alors « l’Oracle », le lion majestueux qui figure sur la couverture, et qui invite l’héroïne à se restaurer mais la fillette résiste, elle veut repartir avec ses frères. L’Oracle lui accorde trois jours ; si elle parvient à rester au sein du palais, à la table du festin pendant trois jours, sans boire ni manger (« sans pendre ne serait-ce qu’une goutte d’eau ») elle pourra repartir.

Notre héroïne remportera l’épreuve et la famille réunie pourra aller offrir les roses blanches à la mère mais… L’ultime péripétie montre que le récit de Levi Pinfold n’est pas un simple compte, la narration à la première personne avait bien une raison d’être, et le « je » de l’enfant en construction est appelé à rencontrer l’inconscient maternel.



[1] Levi Pinfold, La Légende du Chien noir, Little Urban, 2015.



https://www.ecoledeslettres.fr/fiches-pdf/le-secret-des-sables-de-levi-pinfold-un-album-poetique-et-initiatique/