Révision

La plupart des articles (traductions exceptées) ont été révisés au cours de l'automne 2014, d'où certains anachronismes au regard de la date de publication.

vendredi 20 décembre 2024

L’Auteur, l’auteur !, de David Lodge : le style face au succès

 
Avec L’Auteur, l’auteur !, David Lodge met en scène deux figures d’écrivains que tout oppose (deux amis pourtant !), Henri James, adepte du style recherché dont l’œuvre est longtemps restée confidentielle et George Du Maurier, auteur amateur qui remporte soudainement un succès considérable.

La richesse d’une œuvre

« Londres, décembre 1915 », Henry James se meurt. Célibataire endurci, voué à son art, il est entouré de sa secrétaire, de ses domestiques et de sa belle sœur qui vient d’arriver. Consternation et tristesse se sont emparées du personnel qui voue un véritable culte à ce maître distant et bon qu’est « le vieux gentleman » comme on le surnomme avec un mélange de respect et d’affection. Deux figures émergent de ce premier chapitre de L’auteur ! L’auteur !, le roman que David Lodge consacre à Henry James : Théodora Bosanquet, la secrétaire de l’écrivain qui a pris en notes les derniers chefs d’œuvre du grand homme et Minnie Kidd, jeune servante réservée. Désireuse de comprendre ce qui fait la renommée de son maître, Minnie demande à Théodora de lui conseiller un livre du maître.

La secrétaire met entre les mains de Minnie, La bête de jungle et lorsque Théodora, le lendemain, demandera à Minnie si elle a aimé la nouvelle, la jeune servante sera obligée d’admettre que « tout est difficile dans ce livre ». Théodora explique alors à la jeune femme la dimension symbolique du titre : « Toute sa vie Marcher [le héros] a eu le pressentiment qu’il va lui arriver quelque chose d’extraordinaire  et de terrible, qu’il compare à une bête sauvage qui attend de bondir sur sa proie. » La scène présente un double intérêt, elle met en place l’une des questions qui ne vont cesser de hanter l’intrigue, « qu’est-ce qui fait la différence entre la littérature populaire et littérature tout court ? », et apporte une première réponse : si le texte littéraire  « exige beaucoup de ses lecteurs », il lui apporte aussi énormément.

[1] Jean-Michel Ganteau, David Lodge. Le choix de l’éloquence, Presses universitaires de Bordeaux, 2011.

https://www.ecoledeslettres.fr/fiches-pdf/lauteur-lauteur-de-david-lodge-le-style-face-au-succes/

mardi 17 décembre 2024

Podcast sur le Tour du monde en 80 jours de Jules Verne

 

https://classiques.ecoledesloisirs.fr/livre/CLA-Le-Tour-du-Monde-en-quatre-vingts-jours

L'Avant-garde selon Ionesco

Question d'interprétation à partir de cet extrait :

Voilà donc ce que veut dire l’avant-garde : un théâtre qui prépare un autre théâtre, définitif – celui-là. Mais rien n’est définitif, tout n’est qu’une étape, notre vie elle-même est essentiellement transitoire : tout est, à la fois, aboutissement de quelque chose, annonciateur d’autre chose. Ainsi peut-on dire que le théâtre français du XVIIe siècle prépare le théâtre romantique (qui ne vaut pas grand-chose, d’ailleurs, en France) et que Racine et Corneille sont à l’« avant-garde » du théâtre de Victor Hugo, lui-même à l’« avant-garde » de ce qui lui a succédé en le reniant.

Et encore : le mécanisme de positions et oppositions est bien plus compliqué que ne se l’imaginent le simplistes de la dialectique. Il y a des « avant-gardes » fructueuses qui sont nées de l’opposition à des réalisations des générations précédentes ou encore qui sont permises ou facilités par un retour à des sources, à des œuvres anciennes et oubliés. Shakespeare est toujours bien plus actuel que Victor Hugo (déjà cité) ; Pirandello[1] bien plus à l’avant-garde que Roger Ferdinand[2] ; Büchner[3] infiniment plus vivant, plus poignant que, par exemple, Bertold Brecht[4] et ses imitateurs de Paris.

Et voilà où les choses semblent se préciser : l’avant-garde, en réalité, n’existe pas ; ou plutôt elle est tout à fait autre chose que ce qu’on pense qu’elle eest.

L‘« avant-garde » étant bien entendu révolutionnaire, elle a été et continue d’être jusqu’à présent comme la plupart des événements révolutionnaires, un retour, une restitution. Le changement n’est qu’apparent : cet « apparent » compte énormément, car c’est lui qui permet (à travers et au-delà du nouveau) la revalorisation, le rafraichissement du permanent.

Ionesco, Notes et contre-notes, Gallimard, 1986.

https://nrp-lycee.nathan.fr/sequences/langues-et-cultures-de-lantiquite/



[1] Luigi Pirandello (1867-1936), dramaturge italien connu pour Six personnages en quête d’auteur (1921), prix Nobel de littérature en 1934.

[2] Roger Ferdinand (1898-1967), dramaturge français qui s’inscrit dans la tradition du théâtre de boulevard.

[3] Georg Büchner (1813-1837) : auteur romantique allemand, connu pour son théâtre (La Mort de Danton, 1835) et ses nouvelles.

[4] Bertold Brecht (1898-1956) : dramaturge allemand, d’obédience marxiste, auteur de Mère courage et ses enfants (1938), La résistible ascension d’Arturo Ui (1941).






mardi 10 décembre 2024

Autant en emporte le vent ou le souffle destructeur de l’histoire (sujet type bac HLP)


Alors qu’elle demeurait prostrée, trop faible pour réagir les souvenirs et les craintes l’assaillirent comme des vautours attirés par la mort. Elle n'avait plus la force de dire ; « Je penserai à Maman et à Papa et à Ashley et à tout ce désastre plus tard … Oui, plus tard quand je pourrai le supporter. » Mais qu’elle l’eût on non voulu, c’était maintenant, alors qu’elle ne pouvait pas le supporter, qu’elle pensait à eux. Les pensées tournoyaient et fondaient sur elle, plongeant et enfonçant leurs griffes acérées et leurs becs tranchants dans son esprit. Pendant un temps infini, elle resta inerte, sous les rayons d’un soleil implacable, le visage dans la poussière, se souvenant de choses et de personnes qui étaient mortes, se remémorant un mode de vie à jamais disparu et contemplant les perspective d’un avenir bien sombre.

Lorsqu’elle se releva enfin et vit de nouveau les ruines noircies des Douze Chênes, elle avait la tête haute mais son visage avait définitivement perdu une part de sa jeunesse, de sa beauté et de son aptitude à faire preuve de tendresse. Le passé était le passé. Les morts étaient bien morts. Le luxe paresseux des jours anciens avait disparu et ne reviendrait plus. Et tandis qu’elle ajustait le lourd panier à son bras, Scarlett était résolue, elle savait quelles règles régiraient dorénavant sa vie et son esprit.

Il n'y avait pas de retour en arrière possible, désormais elle irait de l’avant. Dans tout le Sud et durant les cinquante années à venir, il y aurait des femmes qui jetteraient un œil amer sur des temps révolus, sur des hommes disparus, qui évoqueraient des souvenirs douloureux et futiles, tout en supportant la pauvreté avec une fierté acrimonieuse pour la simple raison qu’elles possédaient ces souvenirs. Mais Scarlett ne regarderait jamais en arrière. Elle fixa les pierres noircies et, pour la dernière fois, elle vit les Douze Chênes se dresser devant ses yeux tels qu'ils avaient été, riches et fiers, symbole d'une race et d'un mode de vie. Puis elle se mit en route vers Tara, le lourd panier lui tailladant la chair.

La faim rongeait de nouveau son estomac vide et elle dit à haute voix : « Dieu m’en est témoin, Dieu m’en est témoin, je ne me laisserai pas abattre par les Yankees. Je vais survivre à cela, et quand ce sera fini, je ne connaîtrai plus jamais la faim. Non, ni aucun de mes proches. Et même si je dois voler ou tuer – que Dieu en soit témoin ­, je ne connaîtrai plus jamais la faim. »

Margaret Mitchell, Gone with the wind (Autant en emporte le vent), trad. S. Labbe, 1936.

Question d’interprétation (littérature)

Comment l’héroïne réagit-elle aux événements historiques dont elle est témoins ?

Question de réflexion (philosophie)

Le temps est-il essentiellement destructeur ?

 

https://nrp-lycee.nathan.fr/sequences/autant-en-emporte-le-vent-ou-le-souffle-destructeur-de-lhistoire/